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LES SECRETS MERVEILLEUX
du
PETIT ALBERT

This HTML edition by Joseph H. Peterson, Copyright © 2003, 2005, 2006. All rights reserved.

This is another French Grimoire or handbook of magic.

L'editeur n'endorse ni ne recommende les methodes et recettes inclus dans ce livre. -JHP

NOTE: the editor does not endorse or recommend any of the recipes found in this book. -JHP

Catalog entry reads:

Author: Albert, Petit.
Title: Secrets merveilleux de la magie naturelle et cabalistique du petit Albert.
Edition: Nouv. éd., cor. & augm.
Published: Lyon, Héritiers de Beringos fratres, 1782.
Description: 264 p. illus., plates (partly fold.) 14 cm.
Library Info: TC Andersen Library Rare Books Small 157.4 Al14lF Non-Circulating
Subject: LC Magic. Charms. Medicine, Magic, mystic, and spagiric.
Material Type: bks
Sys. no. 000307304
U of M copy jumps from p. 50 to p. 59.

SECRETS
MERVEILLEUX
DE LA MAGIE NATURELLE
ET CABALISTIQUE
DU PETIT ALBERT,
Traduits exactement sur l'original
latin, intitulé:

ALBERTI PARVI LUCII
Libellus de mirabilibus naturæ
arcanis.
Enrichis de Figures mystérieuses; & la
maniere de les faire.
Nouvelle Édition, corrigée & augmentée.


A LYON,
Chez les Héritiers de Beringos Fratres;
à l'enseigne d'Agrippa.
M. DCC. LXXXII.







TABLE

Des secrets contenus dans ce petit trésor.

Fin de la Table.




Page 11.
[Figure 1. HIPOMANES]

[3]

AVERTISSEMENT

QU'IL FAUT LIRE.

VOici une nouvelle édition du livre des merveilleux secrets du Petit Albert, connu en Latin soius le titre de Alberti Parvi Lucii Libellus de mirabilibus naturæ arcanis: l'auteur, à qui on l'attribue, ayant été un de ces grands hommes, qui par le peuple ignirant ont été accusés de magie; (c'étoit autrefois le sort de tous les grands esprits qui possédoient quelque chose d'extraordinaire dans les sciences, de les traiter de magiciens.) C'est peut-être par cette raison que ce petit trésor est devenu si rare; parce que les superstitieux ont fait scrupule de s'en servir, il s'est presque comme perdu: car une personne distinguée dans le monde a eu la curiosité (à ce que l'un assure) d'en offrir plus de mille florins pour un seul exemplaire; encore ne l'a-t-on pu découvrir que depuis peu dans [4] la bibliotheque d'un très-grand homme qui l'a bien voulu donner, pour ne plus priver le public d'un si riche trésor. On pourra s'en servir à présent à peu de frais, avec utilité & beaucoup de profit. Les curieux ne s'attacheront pas au langage vieux & peu poli de ce livre; on a mieux aimé le laisser comme on l'a trouvé, que d'y changer quelque chose, de peur d'en altérer le véritable sens. Au reste, on ne sera pas fâché que l'on ait ajouté à la fin de ce trésor, encore quelques secrets merveilleux, donnés par une personne d'une grande expérience; & comme il est parlé souvent dans ce recueil, de préparer quelques secrets aux heures des planetes, on trouvera à la fin de ce livre des tables qui marquent l'heure de la levée du soleil pour tous les jours de l'année, afin de ne se point tromper sur les heures que chaque planete gouverne: car il faut savoir qu'il faut compter la premiere heure depuis la levée de soleil, & non pas à minuit, comme quelques-uns ont prétendu par erreur.

[5]



LE TRÉSOR
DES
MERVEILLEUX
SECRETS

LE véritable curieux, qui desire de profiter dans les secrets les plus rares & les plus cachés de la nature, doit, avec épanchement de cœur, ouvrir les yeux de son entendement sur ce que je lui ai ramaffé avec beaucoup de soin & d'exactitude dans ce petit volume.

Il peut bien être appellé un trésor universel, puisque dans sa petitesse il renferme des merveilles capables de faire plaisir à tout le genre humain. [6] Le noble comme le roturier; le négociant de ville comme le laboureur de la campagne; l'homme de guerre comme le pacifique; le damoiseau comme la jouvencelle; la femme grosse comme la pucelle, & sur-tout le bon conducteur de sa famille, prendront tous en gré ce que mes propres expériences ont éprouvé à leur avantage, & pour satisfaire leurs plus vives inclinations & leurs plus empressés desirs.

Or, afin de garder quelque ordre méthodique dans ce mien ouvrage, & de le rendre plus utile & plus agréable à mes lecteurs, je distinguerai les matieres chacune séparément, de peur que le mêlange indiscret n'apporte une confusion embarrassante; je veux dire, que quand je traiterai, par exemple, des secrets de l'amour ou de la guerre, je proposerai tout de suite, & sans interruption, ce que je voudrai donner sur ces sujets: ou, si par une liaison naturelle, je traite ailleurs [7] de quelques secrets qui conviennent à l'amour ou à la guerre, j'en avertirai mes lecteurs, en leur indiquant les endroits où ils pourront trouver ces secrets.

Il est bon d'avertir pareillement mes lecteurs, que, tout surprenans que puissent paroître les secrets que je leur propose dans ce petit volume, ils n'excedent point les forces occultes de la nature; c'est-à-dire, de tous les êtres créés qui sont épars dans ce vaste univers, soit dans les cieux, dans les airs, sur la terre & dans les eaux. Car ainsi qu'il est écrit que le sage dominera les astres, par sa prudence, de même doit-on être persuadé que les astres par leurs aimables influences profiteront au sage qui sera instruit de leur ascendant.

Or, il est besoin de savoir que par l'ascendant des astres on doit entendre leurs favorables dispositions entre elles; comme font leurs aspects ou regards, leurs entrées & demeure [8] dans les signes célestes. Par le mot astres, on entend communément les planetes qui ont leur jour propre dans le cours de la semaine; le Soleil pour le dimanche, la Lune pour le lundi, Mars pour le mardi, Mercure pour le mercredi, Jupiter pour le jeudi, Vénus pour le vendredi, Saturne pour le samedi.

Ceux qui n'ont point étudié dans les sciences sublimes de la philosophie & astronomie, pourront, ou consulter les astrologues, ou se servir d'un bon almanach quand ils voudront mettre en pratique quelque secret qui dépend des aspects ou conjonction des astres, afin que l'exactitude qu'ils apporteront dans l'opération qu'ils feront, rendre l'issue bonne, utile & favorable.

Que l'on n'attribue point à magie ou diablerie, si dans quelques-uns des merveilleux secrets que je donnerai, on se sert de certains paroles ou figures; car elles ont leur vertu & efficacité [9] indépendamment de la magie, & les anciens sages hébreux s'en sont servis avec beaucoup de religion. L'histoire & la chronique de France nous apprennent que Charlemagne reçut d'un pape un petit livre qui n'étoit composé que de figures & de paroles mystérieuses, dont ce prince se servit fort heureusement dans une infinité d'occasions, & ce petit livre a pour titre, enchiridium Leonis papæ. Les merveilles que ce petit livre a produites en faveur de ceux qui s'en sont servis, l'ont rendu recommandable en dépit de ceux qui l'ont voulu décrier comme superstitieux.

Enfin j'avertis mes lecteurs qu'ils ne trouveront rien de commun & de trivial dans ce mien petit ouvrage; c'est comme un extrait & un élixir de ce que la nature perfectionnée & aidée de l'art, a de plus merveilleux dans ses vertus occultes; je ne me laisse point séduire à la vanité en les produisant comme de moi-même & de mon [10] estoc: j'avoue ingénument que je les ai tirés des écrits des plus fameux philosophes qui ont pénétré avec une admirable application tout ce que la nature a de plus curieux & de plus caché; il est vrai que je ne les propose pas ici avec témérité, puisqu'il n'y en a presque pas un dont je n'aie eu le plaisir de faire l'expérience par moi-même.

De l'amour réciproque de l'homme & de la femme.

Comme il n'y a rien de plus naturel à l'homme d'aimer & de se faire aimer, je commencerai l'auverture de mon petit trésor par les secrets qui conduisent à cette fin; & sans m'amuser à invoquer Vénus & Cupidon, qui sont les deux divinités dominantes sur cette noble passion de l'homme, je dirai que dame nature, qui fait toutes choses pour l'homme, produit tous les jours grand nombre de créatures qui lui deviennent favorables [11] dans le succès de ses amours. L'on trouve assez souvent au front du poulain de la cavale un morceau de chair, dont je donne ici la figure, qui est d'un merveilleux usage en fait d'amour: car si l'on peut avoir ce morceau de chair que les anciens ont appellé hippomanes, on le fera sécher dans un pot de terre neuf vernissé, dans un four, quand le pain en est tiré, & en le portant sur soi, & le faisant toucher à la personne dont on voudra être aimé, on réussira: si l'on peut avoir la commodité d'en faire avaler seulement la grosseur de deux pois dans quelque liqueur, confiture ou ragoût, l'effet sera encore infaillible; & comme le vendredi est le jour consacré à Vénus, qui préside aux mysteres d'amour, il sera bon de faire l'expérience ce jour-là. Voyez ce que dit le célebre Jean-Baptiste Porta, des surprenantes propriétés de l'hippomanes pour causer l'amour.

[12]

Autre pour l'amour.

Tirez de votre sang un vendredi du printems; mettez-le sécher au four dans un petit pot, comme est dit ci-dessus, avec les deux couillons d'un lievre & le foie d'une colombe: réduisez le tout en poudre fine, & en faites avaler à la personne sur qui vous aurez quelque dessein, environ la quantité d'une demi-drachme; & si l'effet ne suit pas à la premiere fois, réitérez jusqu'à trois fois, & vous serez aimé.

Autre pour l'amour.

Vivez chastement au moins cinq ou six jours, & le septieme, qui sera le vendredi, si faire se peut; mangez & bovez des alimens de nature chaude qui vous excitent à l'amour; & quand vous vous sentirez dans cet état, tachez d'avoir une conversation familiere avec l'objet de votre passion, & faites ensorte qu'elle vous puisse [13] regarder fixement, vous & elle, seulement l'espace d'un ave Maria: car les rayons visuels se rencontrant mutuellement, seront de si puissans véhicules de l'amour, qu'ils pénétreront jusqu'au cœur, & la plus grande fierté & la plus grande insensibilité ne pourront leur résister. Il est assez difficile de réduire une fille, qui a de la puder, à regarder fixement un jeune homme durant quelque espace de tems; mais on la pourra obliger à cela, en lui disant, en badinant, qu'on a appris un secret de deviner par les yeux, si l'on doit être bientôt marié, si l'on vivra long-tems, si l'on sera heureux dans son mariage, ou quelqu'autre chose semblable qui flatte la curiosité de la personne, & qui la fasse résoudre à regarder fixement.

Autre pour l'amour.

Ayez une bague d'or garnie d'un petit diamant, qui n'ait point été portée depuis qu'elle est sortie des [14] mains de l'ouvrier, enveloppez-la d'un petit morceau d'étoffe de soie, & la portez durant neuf jours & neuf nuits, entre chemise & chair à l'opposition de votre cœur. Le neuvieme jour, avant soleil levé, vous graverez avec un poinçon neuf en dedans de la bague ce mot, Scheva. Puis tacherez par quelque moyen d'avoir trois cheveux de la personne dont vous voulez être aimé, & vous les accomplerez avec trois des vôtres, en disant: ô corps, puisse-tu m'aimer, & que ton dessein réussisse aussi ardemment que le mien, par la vertu efficace de Scheva! Il faudra nouer ces cheveux en lacs d'amour, ensorte que la bague soit àpeu-près enlacée dans le milieu du lac; & l'ayant enveloppée dans l'étoffe de soie, vous la porterez derechef sur vorte cœur autres six jours, & le septieme jour vous dégagerez la bague du lac d'amour, & ferez ensorte de la faire recevoir à la personne aimée: toute cette opération se doit [15] faire avant le soleil levé & à jeun.

Autre pour l'amour.

Pour ne rien dire qui choque la bienséance, je ne copierai point ici ce que j'ai lu dans un très-habile médecin, touchant la vertu nompareille du sperme ou semence humaine pour induire à l'amour, d'autant que l'expérience ne s'en peut faire sans violenter la nature qui nous fournit assez d'autres moyens. Ayez donc plutôt recours à l'herbe que l'on nomme ennula campana, dont je donne ici la figure.

Enula Campana

[figure]

Il faut la cueillir à jeun la veille de la saint Jean au mois de juin avant soleil levé, la faire sécher, réduire en poudre avec de l'ambre gris; & l'ayant portée durant neuf jours sur votre cœur, vous tacherez d'en faire avaler à la personne dont vous desirez d'être aimé, & l'effet suivra. Le cœur d'hirindelle, de colombe, de passereau, mêlé avec le propre sang [16] de la personne qui veut se faire aimer, a le même effet.

Autre pour l'amour.

On peut aussi réussir avec beaucoup de succè dans cette entreprise par le secours des talismans faits sous la constellation de Vénus; je donnerai dans la suite de ce petit ouvrage des modeles gravés en taille douce de sept talismans que l'on peut faire sous les auspices des sept planetes, & je parlerai de la maniere méthodique de les faire, & des vertus qu'ils renferment: on pourra voir pour le sujet que je traite celui de Vénus. Ces talismans ont été composés par les plus sages d'entre les cabalistes, & sont dressés sur des nombres mystérieux, & des figures hiéroglyfiques convenables aux planetes d'où ils tirent leurs propriétés; ils les ont appellés les cachets ou les sceaux des planetes ou célestes intelligences.

[17]

Autre pour l'amour.

Il y a des secrets que l'on appelle chez les sages cabalistes, pomme d'amour, & ils se pratiquent en cette maniere. Vous irez un vendredi matin avant soleil levé dans un verger fruitier, & cueillerez sur un arbre la plus belle pomme que vous pourrez; puis vous écrirez avec votre sang sur un petit morceau de papier blanc votre nom & surnom, & en une autre ligne suivante, le nom & surnom de la personne dont vous voulez être aimé, & vous tacherez d'avoir trois de ses cheveux, que vous joindrez avec trois des vôtre qui vous serviront à lier le petit billet que vous aurez écrit avec une autre, sur lequel il n'y aura que le mot de Scheva, aussi écrit de votre sang, puis vous fondrez la pomme en deux, vous en ôterez les pepins, & en leur place vous y mettrez vos billets liés des cheveux, & avec deux petits brochettes pointues de branches [18] de myrthe verd, vous rejoindrez proprement les deux moitiés de pomme & la ferez sécher au four, ensorte qu'elle devienne dure & sans humidité comme les pommes seches de carême; vous l'envelopperez ensuite dans des feuilles de lauriers & de myrthe, & tacherez de la mettre sous le chevet du lit où couche la personne aimée, sans qu'elle s'en apperçoive, & en peu de tems elle vous donnera des marques de son amour.

Autre pour l'amour.

Il ne suffit pas à l'homme de se faire aimer de la femme passagérement & pour une fois seulement; il faut que cela continue, & que l'amour soit indissoluble, & par ainsi il a besoin d'avoir des secrets pour engager la femme à ne point changer ou diminuer son amour. Vous prendrez donc à ce sujet la moëlle que vous trouverez dans le pied gauche d'un loup, vous en ferez une espece de [19] pommade avec de l'ambre gris & de la poudre de Cypre, vous porterez sur vous cette pommade, & vous la ferez flairer de tems en tems à la femme, qui vous aimera de plus en plus.

Autre pour l'amour.

Comme il se pourroit faire que la femme se dégoûteroit de l'homme s'il n'étoit robuste dans l'action de Vénus, il doit se précautionner non-seulement par les bons alimens, mais encore par des secrets que les anciens & modernes rechercheurs des merveilles de la nature ont éprouvés. Il faut, disent-ils, composer un baume de la cendre de stellion, d'huile de mille-pertuis & de civette, & en oindre le grand doigt du pied gauche & les reins une heure avant que d'entrer au combat; & l'on en sortira avec honneur & satisfaction de sa partie.

Autre pour l'amour.

La pommade composée d'oing de [20] jeune bouc, avec de l'ambre gris & de la civette, produit le même effet, si l'on en frotte le gland du membre viril; car cela produit un chatouillement qui donne un merveilleux plaisir à la femme dans l'action du coït.

Autre pour l'amour.

Si le mari trouve que sa femme soit de complexion froide, & ne se plaise au déduit, qu'il lui fasse manger les couillons d'oie, & le ventre de lievre, assaisonnés de fines épices, & de tems en tems des salades où il y ait beaucoup de roquette, de satyrion & de céleri avec vinaigre rosat.

Contre le charm de l'aiguillette nouée.

Nos anciens assurent que l'oiseau rain remede contre le sortilege de l'aiguillette nouée; si on le mange rôti à jeun avec du sel bénit... si on respire la fumée de la dent brûlée d'un homme mort depuis pen, on sera pareillement [21] délivré du charm... Le même effet arrive, si on met du vif argent dans un chalumeau de paille d'avoine ou de paille de froment, & que l'on mette ce cha;umeau de paille de froment ou d'avoine sous le chevet du lit où couche celui qui est atteint de ce maléfice... Si l'homme & la femme sont affligés de ce charme, il faut, pour en être guéris, que l'homme pisse à travers de l'anneau nuptial que la femme tiendra pendant qu'il pissera.

Pour nouer l'aiguillette.

Ayez la verge d'un loup nouvellement rué, & étant proche de la porte de celui que vous voudrez lier, vous l'appellerez par son propre nom, & aussi-tôt qu'il aura répondu, vous lierez ladite verge du loup avec un lacet de fil blanc, & il sera rendu si impuissant à l'acte de Vénus, qu'il ne le seroit pas davantage s'il étoit châtré. De bonnes expériences ont fait connoître que pour remédier, & même pour [22] empêcher cette espece d'enchantement, il n'y a qu'à porter un anneau dans lequel soit enchassé l'œil droit d'une belette.

Pour modérer le trop grand desir de l'action de Vénus dans la femme.

Réduisez en poudre le membre génital d'un taureau roux, & donnez le poids d'un écu de cette poudre dans un bouillon composé de veau, de pourpier & de laitue à la femme trop convoiteuse; & l'on n'en sera plus importuné, mais au contraire elle aura a version de l'action vénérienne.

Contre les aiguillous de la chair, & pour vivre chastement.

Quoique les alimens assaisonnés avec laitue & pourpier soient fort utiles pour amortir l'ardeur de la concupiscence, néanmoins comme on n'en trouve pas dans toutes les saisons, & que l'on se pourroit ennuyer de cette mangeaille, à l'imitation des [23] Israélites qui s'ennuyerent de la manne du désert, la nature a pourvu de plusiers autres remedes. Vous prendrez donc de la poudre d'agate, que vous mettrez dans une bande de linge que l'on aura trempée dans la graisse de loup, & l'on ceindre les reins de cette bande en guise de ceinture; outre cela, l'homme portera sur soi un cœur de caille mâle, & la femme celui d'une caille femelle, & il aura plus d'effet s'il est enveloppé dans un morceau de peau de loup.

Pour connoître si une fille est chaste, ou si elle a été corrompue, & a engendré.

Vous prendrez du jais ou jayer, que vous réduirez en poudre impalpable; vous en ferez prendre le poids d'un écu à la fille; & si la fille a été corrompue, il lui sera du tout impossible de retenir son urine, & il faudra qu'elle pisse incontinent: si au contraire elle est chaste, elle retiendra son urine plus qu'à l'ordinaire. L'ambre [24] jaune ou blanc, dont on fait des colliers & des chapelets, produit la même épreuve, si l'on s'en sert avec la même préparation que le jais ou jayet: la semence de porcelaine, la feuille de glouteron & la racine, réduites en poudre, & données à boire dans un bouillon ou autre liqueur, servent fort bien à la même épreuve.

Autre pour le même sujet.

Ayez une aiguillée de fil blanc, mesurez avec ce fil la grosseur du cou de la fille, puis vous doublerez cette mesure, & vous en ferez tenir les deux bouts à la fille avec ses dents, & vous étendrez ladite mesure pour faire passer sa tête dedans; si la tête passe trop aisément, elle est corrompue, si elle ne passe qu'à peine, assurez-vous qu'elle est pucelle.

Pour réparer le pucelage perdu.

Prenez terre bénite de Venise demi-once, un peu de lait provenant des [25] feuilles d'asperges, un quart d'once de crystal minéral infusé dans un jus de citron, ou jus de prunes vertes, un blanc d'œuf frais avec un peu de farine d'avoine: de tout cela faites un bolus qui ait un peu de consistance, & vous le mettrez dans la nature de la fille défleurée après l'avoir seringuée avec du lait de chevre & ointe de pommade de blanc-rasis. Vous n'aurez pas pratiqué ce secret quatre ou cinq fois, que la fille reviendra en état de tromper la matrône qui la voudroit visiter. L'eau d'espargoute distillée avec du jus de citron, étant seringuée plusieurs jours de suite dans la nature de la fille, produit le même effet en oignant la partie avec pommade, comme est dit ci-devant.

Pour empêcher que la femme puisse paillarder avec quelqu'un.

Ceux qui sont obligés de s'absenter pour long-tems de leur maison, & qui ont des femmes suspectes & sujettes [26] â caution, pourront, pour leur sûreté, pratiquer ce qui suit. Il faut prendre un peu des cheveux de la femme, & les couper menus comme poussiere; puis ayant enduit le membre viril avec un peu de bon miel, & jetté la poudre de cheveux dessus, on procédera à l'acte vénérien avec la femme, & elle aura ensuite un très-grand dégoût pour le déduit: si le mari veut la faire revenir de ce dégoût, qu'il prenne de ses propres cheveux, qu'il les coupe en poussiere comme il a fait de ceux de la femme, & après avoir oint son membre viril avec du miel & de la civette, & l'avoir saupoudré de ses cheveux, il procédera à l'acte avec contentement de la femme.

Pour rétablir la peau ridée du ventre des jeunes femmes, après plusieurs accouchemens.

Vous composerez une pommade avec de la térébenthine de Venise, du lait de feuilles d'asperges, du fromage [27] blanc die vache qui soit aigri, & du crystal minéral, puis ayant frotté le ventre, avec une petite éponge empreinte de jus de citron, on appliquera une emplâtre de ladite pommade sur le ventre, & l'on réitérera ce secret plusieurs fois, & on aura, contentement.

Pour faire voir aux filles ou veuves, durant la nuit, le mari qu'elles doivent épouser.

Il faut qu'elles aient une petite branche de l'arbre qu'on appelle peuplier, qu'elles la lient d'un ruban de fil blanc avec leurs bas de chausses; & après l'avoir mis sous le chevet da lit où elles doivent dormir la nuit, elles se frotteront les tempes avec un peu de sang d'un oiseau que l'on nomme huppe, & diront en se couchant l'oraison suivante à l'intention de ce qu'elles veulent savoir.

[28]

ORAISON.

Kyrios clementissime, qui Abraham servo tuo dedisti uxorem Saram, & filio ejus obedientissimo, per admirabile signum indicati Rebeccam uxorem: indica mihi ancillæ tuæ quem sim nuptura virum, per ministerium tuorum spirituum Balideth, Assaibi, Abumalith. Amen.

Il faut le matin suivant, lorsqu'on s'éveille, se remettre en esprit ce que l'on aura vu en songe durant la nuit, & si en dormant on n'a vu aucune apparence d'homme, on doit continuer pendant la nuit de trois vendredis de suite; si la fille n'a point la représentation d'homme durant les trois nuits, elle peut croire qu'elle ne sera point mariée. Les veuves peuvent faire cette expérience aussi-bien que les filles; avec-cette différence, qu'au lieu que les filles se couchent du côte du chevet, les veuves se doivent coucher du côté des pieds du lit en y transportant le chevet.

[29]

Pour les garçons & les hommes veufs qui voudront voir en songe les femmes qu'ils épouseront.

Il faut qu'ils aient da corail pulvérisée, de la poudre d'aiman quils délaieront ensemble avec du sang d'un pigeon blanc; ils feront un petit morceau de pâte, qu'ils renfermeront dans une large figure, & après l'avoir enveloppée dans un morceau de taffetas bleu, ils la pendront à leur cou, & mettront sous le linceul de leur chevet une branche de myrthe, diront en se couchant l'oraison ci-devant marquée, en changeant seulement ces mots: Ancillæ tuæ quem sim nuptura, virum, en ceux-ci qui leur conviennent, servo tuo quam sim nupturus uxorem.

Pour se garantlr du cocuage.

Prenez le. bouc d'un membre génital d'un loup, le goil de ses yeux, & celui qui est à sa gueule en forme [30] de barbe: réduisez cela en poudre par calcination, & le faites avaler à la femme sans qu'elle le sache, & l'on pourra être assuré de sa fidélité; la moëlle de l'épine da dos du loup fait le même effet.

Pour faire danser une fille nue en chemise.

Prenez de la marjolaine sauvage, de la franche marjolaine, du thym sauvage, de la verveine, des feuilles de myrthe, avec trois feuilles de noyer & trois petites souches de fenouil, tout cela cueilli la veille de la S. Jean au mois de juin avant le soleil levé: il faut les faire sécher à l'ombre, les mettre en poudre & les passer au fin ramis de soie; & quand on veut exécuter ce joli badinage, il faut souffler de cette poudre en l'air dans l'endroit où est la fille, ensorte qu'elle la puisse respirer, ou lui en faire prendre en guise da tabac, & l'effet suivra de prè. Un famoux auteur ajoute que [31] l'effet fera encore plus infaillible si cette expérience gaillarde se fait dans un lieu où il y ait des lampes allumées avec de la graisse de lievre & de jeune bouc.

Pour être fortuné dans les jeux d'adresse & de hazard.

Prenez une anguille morte par faute d'eau, prenez le fiel d'un taureau qui aura été tué par la fureur des chiens, mettez-le dans la peau de cette anguille avec une drachme de sang de vautour, liez la peau d'anguille par les deux bouts avec la corde de pendu, & mettez cela dans du fumier chaud l'espace de quinze jours, & puis vous le ferez sécher dans un four chauffé avec de la fougere cueillie la veille de S. Jean; puis vous en ferez un bracelet, sur lequel vous écrirez avec une plume de corbeau, & de votre propre sang, ces quatre lettres HVTY, & portant ce bracelet autour de votre bras, vous ferez fortune dans tous les lieux.

[32]

Pour s'enrichir par la pêche des poissons.

Vous assemblerez une infinité de poissons en lieu où vous les pourrez commodément prendre, si vous y jettez la composition suivante. Prenez sang de bœuf, sang de chevre noire, sang de brebis, qui se trouve aux petites entrailles, du thym, de l'origan, de la farine, de la marjolaine, de l'ail, de la lie de vin & de la graisse ou moëlle des mêmes animaux; vous pilerez tous ces ingrédiens ensemble & vous en ferez de petites boules que vous jetterez dans l'endroit de la ri­viere ou de l'étang, & vous verrez merveilles.

Autre au même sujet.

Pilez des orties avec de l'herbe de quinte-feuille, & y ajoutez le suc de jourbarbe avec du bled cuit en eau de marjolaine & de thym, mettez cette composition dans une nasse à prendre du poisson, & en peu de tems elle sera pleine.

[33]

Autre sur le même sujet.

Prenez coque du levant avec du cumin, du fromage vieux, de la farine de froment & de bonne lie de vin; broyez tout cela ensemble & en formez de petites pilules de la grosseur d'un pois, & les jettez dans les rivieres où il y a abondance de poissons & que l'eau soit tranquille, & tous les poissons qui tâteront de cette composition s'enivreront & se viendront rendre au bord, ensorte que vous les pourrez prendre à la main, & peu de tems après l'ivresse se passera, & ils deviendront aussi gaillards qu'ils étoient avant que d'avoir mangé de ce appât.

Autre au même sujet.

La fleur de souci, avec la marjolaine, farine de froment, de vieux beurre, de la graisse de chevre avec des vers de terre, broyés & mêlangés ensemble, servent merveilleusement [34] pour attirer toutes sortes de poissons dans la nasse on dans les filets.

Autre au même sujet.

Pour faire assembler les poissons en un lieu dans la mer, vous prendrez trois coquilles de celles qui croissent aux rochers; & ayant tiré le poisson qui se trouve dedans, vous écrirez avec votre propre sang sur ces coquilles, les deux mots suivans, JA SA­BAOTH; & ayant jetté ces coquilles dans l'endroit oû vous voulez que les poissons s'assemblent, vous y en verrez en moins de rien un nombre infini.

Autre sur le même sujet.

Pour prendre grand nombre d'écrevisses, quand on aura découvert les endroits où elles se tiennent, on y mettra des nasses dans lesquelles on aura jetté des morceaux de boyaux de chevres ou quelques grenouilles écorchées, & par ce moyen on en attirera un nombre prodigieux des plus grosses.

[35]

Pour empêcher que les oiseaux ne gâtent les semailles, en mangeant le grain.

Il faut avoir le plus giros crapaud que l'on pourra trouver, & on l'enfermera dans un pot de terre neuf avec une chauve-souris, & l'on écrira, en dedans du couvercle du pot, ce mot, Achizech, avec du sang de corbeau; l'on enterreta ce pot dans le milieu du champ ensemencé, & il ne faut pas craindre que les oiseaux en approchent: quand les grains commenceront à mûrir, il faut ôter ce pot & le jetter loin du champ dans quelque voierie.

Pour prendre un grand nombre d'oiseaux.

Ayez un hibou ou chouette que vous attacherez la nuit à un arbre de la forêt ou bois taillis, & vous allumerez proche de lui une grosse chandelle qui fasse belle lumiere; plus, deux ou trois personnes feront du bruit autour de l'arbre avec des tambours, [36] les oiseaux viendront en foule, se percher proche du hibou pour lui faire la guerre, & il sera facile d'en tuer tant que l'on voudra avec du menu plomb.

Autre au même sujet.

Vous ferez tremper dans de bonne eau-de-vie le grain qui sert de nourriture aux oiseaux, avec un peu d'ellébore blanc; & ceux qui mangeront de ces grains en seront subitement érourdis, ensorte qu'on les pourra prendre à la main.

Autre au même sujet.

Si vous voulez prendre corneilles & corbeaux vivans, vous ferez des cornes de papier fort qui soit gris bleu, vous les frotterez en dedans avec de la glu, & y mettrez quelque morceau de viande puante pour les attirer; ensorte que fourrant leur tête dans ces cornets, la glu les arrachera à leurs plumes; & en étant affublés [37] comme d'un capuchon qui leur bouchera la vue, quand ils voudront s'envoler, ils ne pourront, & il sera facile de les prendre.

Autre au même sujet.

Vous pourrez mêler de la noix vomique dans la mangeaille des oiseaux, qui, aussi-tôt qu;ils en mangeront, tomberont en défaillance, & il sera loisible de les prendre.

Pour conserver & multiplier les pigeons.

Si vous suspendez en dedans du colombier le crâne d'un vieillard ou du lait d'une femme qui allaitera une fille de deux ans, assurez-vous que les pigeons se plairont dans le colombier & y muliplieront abondamment, soit par les étrangers qu'ils attireront, & tous y vivront paisiblement & sans rancune.

Autre au même sujet.

Si vous avez un grand colombier [38] où vous fassiez une grosse nourriture de pigeons, vous leur préparerez la composition suivante pour empêcher qu'aucun ne déserte, & au contraire en attirer d'autres; prenez trente livres de millet, trois livres du cumin, cinq livres de miel; une demi-livre de poivrette, autrement costus, deux li­vres de semence d'agnus-castus; cuisez le tout en eau de riviere jusqu'à la consomption d'icelle, & puis versez en place trois ou quatre pots de bon vin & environ huit livres de vieux ciment bien pulvérisé; vous ferez cuire encore cela l'espace. de demi-heure à petit feu; vous ferez une masse de toutes ces drogues qui durciront; tous placerez ladite masse dans le milieu du colombier, & vous serez en peu de tems dédommagé de la dépense que vous aurez faite.

Autre au même sujet.

J'ai lu dans les écrits d'un ancien cabaliste, que pour empêcher que les [39] serpens & d'autres bêtes venimeuses ne viennent molester de jour ni de nuits les pigeons, il faut écrire avec du sang de bléreau aux quatre coins du colombier & aux fenêtres, ce mot Adam, & vous ferez un parfum de puce d'âne ou pas-d'âne: on croit que la tête du loup suspendue au colombier, produit un semblable effet.

Autre au même sujet.

Le livre de la maison rustique enseigne de bonnes pratiques pour bien élever des pigeons, & l'expérience fait connoître qu'on ne peut leur rien donner de meilleur pour les engraisser que de la pâte de fêves fricassées avec du cumin & du miel.

Contre l'incommodité que l'on peut recevoir des chiens.

Vous les empêcherez d'aboyer importunément après vous, si vous portez sur vous le cœur & les yeux d'un loup desséchés: la grande antipathie [40] qui est entre le chien & le loup cause cet effet qui a été souvent éprouvé.

Autre au même sujet.

Comme la morsure d'un chien enragé est infiniment dangereuse, il est bon d'avoir de prompts remedes pour se garantir des suites funestes de cette maligne, morsure. Vous pilerez donc de la semence de choux avec du laserpitium & de bon vinaigre, vous en ferez une emplâtre que vous appliquerez sur la plaie, que vous aurez au paravant oinre avec huile de baume. La racine fraîche d'églantier qui sent bon, étant pilée & appliquée, est, selon le sentiment de Pline, un prompt remede contre la morsure des chiens.... De bons auteurs naturalistes assurent qu'en prenant du poil de la bête enragée, & le faisant brûler & en boire la cendre mise en bon vin, procure guérison .... Les cancres de riviere étant brûlés durant les jours caniculaires, le 14 de [41] la Lune, lorsque le Soleil entre dans le signe du Lion, & réduits en poudre, on en donnera une demi-drachme dans un bouillon au patient, soir & matin durant 15 jours, & il guérira. Galien assure que ce remede ne lui a jamais manqué dans le besoin.... Je conseille pourtant que l'on ne se fie pas tellement à tous ces remedes, que pour eux l'on néglige d'aller se baigner à la mer, qui est le remede le plus sûr & le plus éprouveé, & l'on pourra pratiquer tous ces petits re­medes durant le chemin.

Contre l'incommodité que l'on peut recevoir des loups.

Si vous portez sur vous les yeux & le cœur d'un dogue, qui soit mort par violence, ne craignez pas que le loup vous approche, ainsi au contraire vous le verrez fuir comme un timide lapin .... Si vous suspendez la queue d'un loup qui ait été tué en carnage, dans la crêche ou étable d'un gros ou [42] menu bétail, aucun loup n'en abordera.... Le même effet arrivera pour tout un village, si aux avenues vous enterrez des pieces de loup.... J'ai lu dans les écrits d'un sage naturaliste, une maniere bien surprenante pour prendre des loups en grand nombre, voire même en dépeupler tout un pays qui en seroit infecté; il faut se pouirvoir d'une bonne quantité de poissons, qu'on appelle biemmi ou loups marins: en les éventrant on réserve le sang à part, & après les avoir bien écaillés & nettoyés, on les pilera dans un mortier avee de la chair d'agneau ou de jeunes brebis, & l'on portera cette composition dans le canton où l'on sait que les loups sont; on allumera un grand feu de charbon à l'opposition du vent; c'est-à-dire, que le vent aille da côté ou sont les loups, afin qu'il chasse la fumée que fera la composition de chair & de poisson que l'on mettra sur les charbons; laquelle fumée frappant l'odorat des [43] loups, les attirera en cet endroit; lesquels trouvant cet appât rôti, & pour peu qu'ils en mangent, en seront tellement étourdis, quils s'endormiront, & il sera aisé de les tuer.

Il y a tant de livres qui sont remplis de secrets pour se garantir des incommodités des animaux nuisibles, que je ne suis pas d'avis de grossir inutilement ce mien petit trésor des merveilles de la nature, de ces sortes de secrets, qui sont devenus trop communs pour être ignorés de personne. Je passerai donc à des choses plus curieuses & qui satisferont davantage mes lecteurs.

Contre l'ivresse du vin.

Comme l'homme n'a rien de plus estimable que sa raison, & qu'il lui arrive souvent de la perdre, par l'excès du vin, il est convenable de lui donner quelque préservatif pour s'en garantir; quand vous serez convié à quelque repas, où vous craindrez de succomber à la douce violence de [44] Bacchus, vous boirez avant que de vous mettre à table deux cuillerées d'eau de bétoine & une cuillerée de bonne huile d'olive, & vous pourrez boire du vin en toute sûreté.... Vous prendrez garde que le verre ou la tasse dans quoi on vous servira à boire, ne sente point la sariette ou la rapure d'ongles, car ces deux ingrédiens contribuent beaucoup à l'ivresse... Si l'on s'est laissé surprendre par le vin il faut, pour l'homme, qu'il enveloppe ses génitoires dans un linge qui soit imbibé de fort vinaigre, & que la femme qui a succombé à l'ivresse, mette un semblable linge sur ses tetons, l'un & l'autre reviendront en leur bon sens.

Pour rétablir le vin gâté.

J'ai éprouvé plus de cent fois que le vin tourné se rétablit en la manière suivante. Si c'est vers la saison des vendanges, & que le raisin commence à mûrir, vous en prendrez environ [45] cent grosses grappes des plus mûres: vous ferez bien nettoyer un tonneau, dans lequel vous mettrez deux brassées de copeaux ou d'éclappes de bons bois; vous arroserez ces éclappes du jus de grappes de raisin, que vous passerez avec la main, & jetterez ensuite toutes les grappes sur les éclappes, & ayant bien renfermé le tonneau & mis en place, vous tirerez à clair le vin tourné & le verserez sur ce rapé, il n'y aura pas resté trois jours, qu'il sera beau et bon à boire.

Autre au même sujet.

Vous ferez une décoction de fines herbes; savoir, une poignée de chacune des suivantes: marjolaine, thym, laurier, myrthe, baie de genievre, deux pelures de citron & autant d'orange; vous ferez bien bouillir cela dans vingt pintes d'eau, jusqu'à la réduction de quinze pintes ou environ, à proportion de la grandeur du tonneau que vous aurez fait nettoyer, [46] pour recevoir votre vin tourné; vous laverez bien ledit tonneau avec la décoction toute bouillante, et l'en laisserez imbiber; puis vous y mettrez deux brassées de copeaux ou éclappes que vous arroserez aussi de cette décoction, vous tirerez le vin tourné à claire, le laisserez reposer huit jours sur ce rapé de copeaux, et il deviendra meilleur qu'il n'était avant qu'il tournât.

Autre au même sujet.

J'ai appris d'un maître d'hôtel d'un prince allemand cette autre manière de raccommoder le vin troublé & gâté: il faut faire sécher au four cinquante grappes de bon raisin & un demi-boisseau de coquilles d'amandes douces, en sorte que ces coquilles soient un peu rissolées; pendant qu'elles s'accommodent au four il faut bien battre et fouetter ensemble douze blancs d'œufs jusqu'à les réduire presqu'en écume, & les verser dans le tonneau où est le vin gâté, & le rouler [47] pendant un petit espace de temps, puis vous jettez dedans les coquilles d'amandes & les raisins tout chauds & le laissez reposer huit jours, & vous aurez de beau & de bon vin.... Quand le vin est devenu aigre, on le rétablit avec du bled, que l'on fait cuire jusqu'à ce qu'il crève, la mesure ou quantité est la centième partie que contient le tonneau.

Pour faire promptement d'excellent vinaigre.

Il faut de bon vin fort, dans lequel vous mettrez du poivre long & du levain de pain de seigle qui bien aigre: il n'aura pas été exposé six heures au grand soleil ou proche le feu, qu'il sera de bon usage. On peut faire du vinaigre sans vin en cette manière: ayez la charge d'un cheval de poires sauvages, pilez-les bien, & les laissez fermenter durant trois jours dans un tonneau, puis, durant trente jours, vous les arroserez de deux pots d'eau [48] par jour, dans laquelle eau vous aurez fait bouillir du gigembre [*gingembre] & du poivre long; au bout de trente jours vous presserez les poires pilées, & vous aurez de bon vinaigre.

Pour faire des vins de liquers.

Passons de l'utile au délectable, & réjouissons l'homme par d'agréables liqueurs.... Pour faire d'excellent vin grec, sur cent pots de bon vin fort, vous mêlerez la décoction suivante: six livres de bon sucre, du gingembre, du galanga, de la graine de paradis, du clou de girofle, de chacun quatre onces, avec deux pelures de citron; vous ferez bouillir tout cela dans six pintes d'eau de fontaine, jusqu'à la diminution de moitié, & après avoir clarifié cette composition, vous la mettrez dans le tonneau où sont les cent pots de bon vin, & vous aurez du vin grec excellent.... Pour le vin muscat, vous prendrez de la réglisse, du polypode, de l'anis, de la noix muscade, [49] du calamus aromaticus, de chacun deux drachmes, vous pilerez tout cela légérement, & l'ayant mis dans un sac de toike fine, vous le suspendrez dans un tonneau de vin blanc, ensorte que le sac puisse aller jusqu'à la moitié du tonneau, durant dix ou douze jours, & vous aurez de bon vin muscat. Sur la quantité des drogues susdites, le tonneau ne doit être que d'un muid ou trois années. Pour le vin de Malvoifie, qui doit se boire promptement, sur un tonneau d'un muid ou de trois années, vous mettrez la composition suivantes: vous prendrez quatre livres de bon miel naturel & non sophistiqué, une drachme de clous de girofles pulvérisés, autant de gingembre & de macis, quatre pintes d'eau de fontaigne; vous ferez bouillir le tout ensemble durant deux heures, & vous aurez soin de l'écumer exactement; il faut que les clos de girofle, le gingembre & le macis, pulvérisés, soient liés dans un linge blanc; & quand cette composition [50] sera faire, vous la mettrez à demi tiede dans le tonneau, & la laisserez reposer huit jours, & vous aurez de bonne malvoisie.... Si vous en voulez faire de plus exquises, vous prendrez une drachme de musc & de bois d'aloës, deux drachmes de canelle, de graine de paradis & clous de girofles, avec deux livres de bon sucre, pour la quantité de cent pots de bon vin; le tout bouilli dans quatre pintes d'eau.

Pour faire en peu de temps de l'hypocras qui soit excellent.

Pour quatre pintes de vin, vous préparerez les drogues qui suivent, une livre de bon sucre fin, deux onces de bonne canelle concassée grossièrement, une once de graine de paradis, autant de cardamomum, & deux grains d'ambre gris du plus exquis, broyée au mortier avec du sucre candi; vous ferez de toutes ces drogues un sirop clair, que vous purifierez en le passant deux ou trois fois à l'étamine, [51] & vous mélangerez ledit sirop avec quatre pintes d'excellent vin, et vous en aurez le meilleur hypocras que l'on puisse boire.

Pour faire la véritable eau clairette d'Arménie, qui a de si merveilleuses propriétés contre les infirmités du cœur, de la tête et de l'estomac.

Vous prendrez six livres des plus belles cerises griottes que vous pourrez avoir. Après en avoir ôté la queue et le noyau, vous les mettrez au fourneau dans une bassine bien nette, avec une pinte d'eau de fontaine et les ferez bouillir durant une forte heure. Ensuite, vous les passerez à la chausse ou étamine en les écrasant et, du jus qui en sortira, vous en ferez un sirop, en y mettant trois livres de sucre fin, quatre onces de cannelle, une once de clous de girofle, une bonne muscade, une once de graine de paradis, une once de cardamome, quatre grains de musc, autant d'ambre gris broyé au mortier avec sucre candi, le tout légèrement concassé. Quand le sirop sera fait et bien clarifié, vous le mêlerez avec quatre pintes de bonne eau-de-vie dans un grand bocal, que vous boucherez bien, et l'exposerez au grand soleil durant quinze jours et vous aurez d'excellente eau clairette. Le marc qui vous restera de ces drogues est bon pour faire de l'hypocras commun, en y ajoutant du sucre en la manière que nous avons dite ci-devant.

[52]

Pour avoir des melons doux, sucrés et de bonne odeur.

Vour aurez la semence de melon de bonne espèce, vous la mettrez infuser durant deux jours dans un sirop qui sera composé de framboises, de canelle, de cardamomum, de deux grains de musc et autant d'ambre gris; il faut que le sirop ne soit pas épais et tiède quand vous y mettrez la semence en infusion; il faut que la terre où vous sèmerez soit bien préparée, sur une couche de bon funier de cheval, et avoir grand soin de ne les point trop arroser et de les garantir des pluies trop abondantes. Si vous êtes exact à toutes ces choses, vous aurez des melons dignes de la bouche d'un roi.

[53]

Pour avoir de beau raisins murs au printemps.

Il faut avoir un cerisier qui soit planté en espalier, dans une bonne exposition au soleil et en bon terroir, et qu'un habile jardinier ente dextrement deux ou trois ceps de bonne vigne sur ledit cerisier; qu'on ait grand soin de le garantir des intempéries de la fin de l'hiver et du printemps; qu'on ne lui ne lui épargne ni le bon fumier, ni l'eau quand il sera nécessaire, et on verra quelque chose de bien merveilleux au temps que les cerises seront mûres.

[54]

Pour faire croître et multiplier le froment.

Vous prendrez une livre de sel végétal, qui est composé artistement de fleur de soufre, de salpêtre et de nitre; les bons droguistes ont ce sel: vous le ferez bouillir dans six pintes d'eau, avec deux livres de bon froment nouveau, jusqu'à ce que le froment commence à se crever, puis vous passerez cette composition dans un linge fort clair, et vous ferez rendre au froment cuit toute l'humidité; après vous ferez infuser dans cette liqueur autant que vous pourrez de bon froment durant vingt-quatre heures; quand la terre sera bien préparée, vous y sèmerez ce froment infusé, et ayant fait sécher le marc de la composition, vous le pulvériserez et rejeterez sur cette terre, et vous verrez, par expérience, que le blé que vous aurez ainsi semé produira vingt fois autant que le blé commun: il est vrai qu'il ne faudrait pas faire cela deux fois de suite dans la même terre; car il en consume tellement la graisse, qu'elle ne peut plus rapporter si elle n'est bien fumée.

[55]

Pour empêcher les semailles et moissons d'être gâtées par les bêtes.

Vous aurez dix grosses écrevisses, que vous mettrez dans un vaisseau rempli d'eau, et les exposerez au soleil durant dix jours, puis vous aspergerez avec cette eau les semailles l'espace de huit jours; et quand elle seront crucs, vous les aspergerez huit autres jours de suite, et vous verrez qu'elles prospéreront à merveille, et qu'aucunes bêtes, soit rats, belettes ou autres, n'en pourront approcher.

[56]

Pour savoir si les semences seront abondantes l'année prochaine.

ZOROASTRE donne comme un secret infaillible, pour connaître l'abondance de la moisson pour l'année suivante, de faire ce qui suit. Il faut, environ le quinzième du mois de juin, préparer un petit canton de terre, à la manière qu'on la prépare ordinairement pour être ensemencée: vous y semerez toutes sortes de semence, et à cause que, dans cette saison, la chaleur est brûlante et pourrait nuire à ce que la semence germe et sorte plus commodément, vous observerez après cela laquelle des semences sera la mieux venue, et aura la plus belle apparence dans le temps que la canicule commence à régner sur l'horison; car vous serez averti par cet indice que l'abondance sera la semence qui sera la mieux venue, et celles qui n'auront pas profité par la préparation que vous aurez faite seront stériles. Ainsi le judicieux laboureur prendra sur cela ses mesures pour avoir une abondante moisson.

Autre pour le même sujet.

Vous observerez au printemps dans quel état sont les noyers: car s'ils paraissent chargés de feuillages avec peu de fleurs, soyez assuré que la nature sera avare dans la distribution de ses richesses; si au contraire vous voyez grande abondance de fleurs sur les noyers, et que la quantité surpasse celle des feuilles, tirez en augure de fertilité: les anciens ont fait le même pronostic de l'amandier.

[57]

Contre les maladies et autres accidents qui nuisent à la vie de l'homme.

La puanteur est naturellement contraire à la santé de l'homme et elle est quelquefois mortelle, témoin ce qu'en écrit Fioraventus, qui dit que si l'on prend la crasse du sang humain, lorsqu les eaux et sérosités en sont dehors, et qu'après l'avoir fait sécher, si on la mêle avec du styrax et que l'on en brûle dans une chambre, la puanteur qui en exhale est [58] mortelle. Pour donc être garanti de ces mortelles infections, je vais proposer un souverain antidote, qui triomphera de toutes sortes de venins et de poisons.

vous prendrez dans la saison des feuilles de millepertuis, avant qu'il ait jeté sa fleur, autant que vous en poirrez tenir dans vos deux mains. Mettez-les infuser au soleil, dans quatre livres d'huile d'olive, durant dix jours, puis vous les exposerez sur le fourneau au bain-marie, dans de l'eau chaude et ensuite vous en exprimerez le suc à la presse et le mettrez dans un vaisseau ou bouteille ou bocal de verre fort et, quand le millepertuis sera fleuri et en graine, vous mettrez une poignée de cette semence et de ces fleurs dans le bocal et le ferez bouillir sur le feu au bain-marie l'espace d'une heure, puis vous y ajouterez trente scorpions, un evipère et une grenouille verte, dont vous ôterez les têtes et les pieds et, après les avoir fair encore bouillir un peu de tems, vous y mettrez deux onces de chacune des drogues suivantes, pilées ou hachées: [59] racine de gentiane, de dictamum blanc, de la petite & grande fortelle ou sa racine, de la tormentille, de la rhubarbe, du bol d'Arménie, préparé, de bonne thériaque & un peu d'émeraude pulvérisée. Vous exposerez tout cela au soleil durant les jours caniculaires, aprés avoir bien bouché le bocal, & enfin vous le mettrez en digestion, durant trois mois, dans du fumier chaud; & après ce tems vous passerez cette composition dans un couloir, & la garderez précieusement dans un vase d'étain ou de verre fort, pour vous en servir. L'usage est de s'en frotter autour du cœur, aux tempes, aux narines, flancs & au long de l'épine du dos, & vous éprouverez que c'est un antidote contre toutes sortes de venins. Il est bon aussi pour guérir les morsures des bêtes venimeuses.






DES TALISMANS
DE L'ANTIQUITÉ DES
TALISMANS, LEUR ORIGINE
ET USAGES D'ICEUX.

FIGURES DES SEPT PLANÈTES

Figures des Talismans

Figures des Talismans

Les talismans de Paracelse.

La grande réputation que Paracelse [60] s'est acquise dans le monde par sa profonde science, donne beaucoup d'autorité à ce qu'il a laissé par écrit. Il assure, comme une chose indubitable, que si l'on fait des talismans suivant la méthode qu'il en donne, ils produiront des effets qui surprendront ceux qui en feront l'expérience; & c'est ce que j'ai éprouvé moi-même avec grande admiration & un très-heureux succès. Voici donc de quelle maniere il en parle dans son archidoxe magique.

Personne ne peut, sans témérité, révoquer en doute que les astres & planetes célestes n'aient des influences dominantes sur tout ce qui est dans ce bas univers; car puisque l'on voit & que l'on éprouve sensiblement que les planetes dominent, par leurs influences sur l'homme, qui est l'image de Dieu & avantagé de la raison; à combien plus forte raison doit-on croire qu'elles dominent & influent sur les métaux, sur les pierres, & sur [61] tout ce que la nature & l'art peuvent produire; puisque toutes ces choses sont moindres que l'homme, & plus propres à recevoir, sans résistance, leurs influences étant privées de la raison & libre arbitre, & que l'homme a cet avantage qu'il peut se servit de ces choses materielles, pour attirer en sa faveur les influences des astres.

Mais ce qui est digne d'être su & bien remarqué, cx'est que les sept planetes n'influent jamais plus efficacement que par l'entremise des sept métaux qui leur sont propres, c'est-à-dire, qui ont de la sympathie avec leur substance; & à ce sujet les sages cabalistes ayant connu par la sublime pénétration de leurs sciences, quels sont les métaux propres aux planetes, ils ont déterminé l'or pour le Soleil, au jour du dimanche, l'argent pour la Lune, au lundi, le fer pour Mars, au mardi, le-vif-argent pour Mercure, au mercredi, l'étain pour Jupiter, au jeudi, le cuivre ou l'airain [62] pour Vénus, au vendredi, & le plomb pour Saturne, au samedi. Sur ce fondement, nous donnerons ici la maniere de faire des talismans, que les anciens sages ont appellés les sceaux des planetes.

Talisman en sceau du Soleil.

6 32 13 3 33 23
7 31 27 28 28 30
19 14 16 15 23 24
18 20 22 21 17 13
32 22 10 19 26 12
36 15 15 14 18 13

[Compare with version in Agrippa:]

Ce talisman doit être composé avec l'or le plus exquis & le plus pur, qui est celui d'Arabie ou de Hongrie; on en forme une plaque ronde, bien polie des deux côtés; & sut un de ces côtés on trace un quarré composé de six lignes de chiffres, ensorte que nombrant ces chiffres d'un coin à l'autre, en forme de croix de saint André, on trouve cent onze. Et ce qui est mystérieux en cela, & dont on doit être informé, c'est que les nombres qui seront marqués dans tous les talismans ou sceaux des planetes, sont les nombres des grandes étoiles qui sont sous la domination de chaque planete, que Dieu leur attribue [63] comme leurs sujets, & c'est pour cela que ceux qui sont versés dans l'astrologie, appellent les planetes précurseurs ou étoiles premieres, & ils connfluent de-là, qu'ils ont les autres sous leur direction, pour la distribution de leurs influences. Sur l'autre côté de la plaque, il faut graver la figure hiéroglyfique de la planete, qui représente un roi couronné dans son trône royal, tenant de la main droite un sceptre, ayant sur la tête le Soleil & le nom de Jupiter, & montrant avec son sceptre un lion rugissant à ses pieds. Et afin que cette opération se fasse avec exactitude & dans les circonstrances convenables, vous ferez graver deux fers bien propres à imprimer sur l'or tout ce que j'ai dit ci-dessus, pour ne point perdre le moment favorable de la constellation, car il faut que l'impression se fasse dans le tems que l'on aura [64] observé que le Soleil sera en conjonction avec la Lune dans le premier degré du Lion; & quand la plaque d'or sera marquée des deux côtés avec les fers susdits, vous l'envelopperez promptement dans un linge fin. Ce que le viens de dire des deux fers gravés, doit pareillement s'entendre pour la fabrique des talismans des autres planetes; afin, comme il est dit, que l'impression s'en fasse dans l'instant favorable de la constellation; car l'on doit savoir que c'est dans cet instant que la planete répand & imprime ses bénignes influences sur le talisman, d'une maniere surnaturelle & toute mystérieuse. Les propriétés de ce talisman du Soleil consistent en ce que la personne qui le portera avec confiance & révérence, deviendra agréable aux puissances de la terre, aux rois, aux princes, aux grands seigneurs dont on voudra acquérir la bienveillance, on abondera en richesses & en honneurs, & on sera estimé de tout le monde.

[65]

Talisman au sceau de la Lune

Ce talisman doit être composé avec le plus pur argent que l'on pourra trouver, dont on fera une plaque ronde. bien polie; & d'une côté l'on gravera neuf lignes de chiffres, dont chacune contiendra le nombre mystérieux de trois cent soixante-neuf, comme il est respésenté ci-après dans le quarré suivant; de l'autre côté de

la plaque, on imprimera l'image hiéroglyfique [66] de la planete, qui sera une femme revêtue d'une robe ample & large, ayant les deux pieds sur le milieu d'un croissant dans sa main droite, & une brilliante étoile sur sa téte, avec ce mot, Lune. L'opération se doit faire un lundi du printems, lorsque l'on aura au premier degré du Capricorne ou de virgo un aspect favorable de Jupiter ou de Vénus. Il faudra aussi envelopper le talisman dans un linge blanc; & il sera grandement utile pour garantir des maladies populaires; il préservera les voyageurs des périls & des insultes des voleurs; il sera favporable aux laboureurs & aux négocians.

Talisman ou sceau de Mars.

14 10 5 12 18
20 12 6 32 24
21 27 14 9 15
22 13 19 15 26
23 1 20 16 18

[Compare with version in Agrippa:]

Ce talisman doit être formé sur une plaque ronde & polie, du meilleur fer de Carinthie, les nombres mystérieux seront soixante-cinq; & de l'autre côté de la plaque on formera la figure hiéroglyfique de la planete, [67] qui représentera un soldat armé, tenant de la main gauche un bouclier, & de la droite une épée nue, ayant une étoile sur sa tête, avec le nom de Mars. Il faut que les insrumens qui serviront à imprimer ce talisman, soient de bon acier trempé, & que l'impression se fasse dans le moment que l'on aura observé que la Lune étant un aspect bénin avec quelqu'autre planete favorable, entre au premier degré du signe du bélier ou du sagittaire; & il sera même bon que la plaque du talisman soit mise au fourneau ardent, afin qu'elle soit plus propre à recevoir la gravure des figures mystérieuses: & quand elle sera refroidie, on l'enveloppera dans un morceau de taffetas rouge. Ce talisman aura la propriété de rendre invulnérable delui qui le le portera avec révérence; il lui donnera une force & une vigueur extraordinaire; il sera vainqueur dans les [68] combats où il assistera. La planete de Mars influe si merveilleusement sur ce talisman, quand il est fait avec exactitude, que si on l'enterre dans les fondemens d'une forteresse, elle devient inexpugnable, & ceux qui en veulent entreprendre l'attaque, sont mis facilement en déroute. Et si on le fabrique lorsque la constellation de Mars est en opposition avec les planetes favorables & rétrogrades, il porte malheur par-tout où on le met, & il y cause des dissentions, des révoltes & des guerres intestines; je sais qu'un grand homme d'état en fit porter un semblable en Angleterre, au tems de la révolution de Cromwel.

Talisman de Mercure au mercredi.

Ce talisman doit être formé sur une plaque ronde de mercure fixé, (je donnerai ci-après la maniere de fixer le mercure pour les talismans, comme je l'ai éprouvé moi-même.) Quand la plaque est faite & polie, on imprime [69] avec les ferremens sur un des côtés, le nombre mystérieux de deux cent soixante, distribué en huit lignes, comme on le voit ici représenté.

8 8 59 43 4 64 63 11
49 16 14 52 52 14 10 56
41 43 22 24 34 29 18 49
32 34 35 29 29 38 39 24
40 32 27 37 30 30 31 33
17 47 46 21 20 43 42 24
9 55 54 12 13 51 50 16
64 12 3 12 50 6 77 57

[Compare with version in Agrippa:]

Et de l'autre côté de la plaque on imprimera la figure hiéroglyfique de la planere de Mercure, qui représentera un ange, ayant des aîles sur le dos & à ses talons, tenant dans la main droite un caducée en forme de sceptre, & une étoile sur sa tête, avec le nom de Mercure. Il faudre faire l'impression des figures au moment favorable [70] de la constellation, comme on aura observé, avant que de commencer l'entreprise. Et quand elle sera achevée, on enveloppera le talisman dans un morceau d'étoffe de soie de couleur de pourpre.

Ce talisman aura la propriété de rendre discret & éloquent celui qui le portera avec révérence, & le disposer admirablement à être savant en toutes sortes de sciences; & si on fait infuser ce talisman seulement une heure dans un verre de malvoisie, il rend la mémoire si heureuse, qu'on reient tout avec facilité; il peut même guérir toutes sortes de fievres; & si on le met sous le chevet du lit, il procure des songes véritables, dans lesquels on voit ce que l'on souhaite de savoir.

[geomantic

[Compare Agrippa, OP2.51.]



Talisman de Jupiter.

16 3 2 13
15 15 1 3
9 6 7 12
4 14 14 2

[Compare with version in Agrippa:]

Ce talisman doit être formé sur une plaque ronde, du plus pur étain d'Angleterre; onj imprimera sur un des côtés le nombre mystérieux de la planete, [71] qui est trente-quatre distribué en quatre lignes, comme on en voit ici la disposition. Et de l'autre côté de la plaque on imprimera la figure hiéroglyfique de la planete, qui sera un homme vêtu en ecclésiastique, tenant entre ses mains un livre, dans lequel il semble lire, & au-dessus de sa tête une étoile brillante, avec ce mot, Jupiter. On commencera à imprimer les mystérieuses figures sur la plaque, avec les fers, au moment que l'on observe que la constellation de la planete sera favorable, la Lune faisant son entrée dans le premier degré du signe de la Balance, Jupiter en bon aspect avec le Soleil; l'opération étant finie, on enveloppera le talisman dans un morceau d'étoffe de soie couleur de bleu céleste. Ce talisman procurera à ceux qui le porteront révérement l'amour & la bienveillance de ceux que l'on souhaitera. Il aura la vertu de multiplier & augmenter les choses [72] avec lesquelles on l'enveloppera. Il rendra fortuné dans le négoce, dans le commerce & dans toutes les entreprises; il dissipera les chagrins, les soins importuns & les terreurs paniques.

Talisman de Vénus, au vendredi.

Ce talisman doit être formé sur une plaque ronde de cuivre bien purifié & poli. On imprimera sur un de ses côtés le nombre mystérieux de cent septante cinq, distribué en sept lignes, comme il est ici marqué.

22 47 16 41 10 35 4
25 23 48 17 42 11 9
30 6 24 49 18 36 12
13 31 7 25 43 19 37
30 14 32 1 26 44 20
21 39 8 32 2 17 45
46 15 40 9 35 3 27

[Compare with version in Agrippa:]

Et de l'autre côté de la plaque on [73] imprimera la figure hiéroglyfique de la planete, qui sera une femme lascivement vêtu, ayant proche de sa cuisse droite un cupidon tenant un arc & une fleche enflammée, & la femme tiendra dans sa main gauche un instrument de musique, comme une guittare, & au-dessus de sa tête une étoile brillante, avec ce mot, Vénus. L'impression se sera avec les fers, dans le moment que l'on aura prévuque la constellation de Vénus sera en bon aspect avec quelque planete favorable, la Lune étant entrée au premier degré du signe du Taureau ou de virgo. L'opération étant finie, vous envelopperez le talisman dans un morceau d'étoffe de soie verte. Et celui qui portera avec révérence ce talisman, peut s'assurer d'avoie les bonnes graces de tous ceux qu'il souhaitera, & d'être aimé ardemment, tant des femmes que des hommes. Il a aussi la vertu de réconcilier les inimitiés mortelles, en faisant boire quelque liquer dans laquelle [74] il aura été mis; de manier que l'on devient intime ami; il rend aussi industrieux & fort habile en l'art de musique.

Talisman de Saturne, au samedi.

Ce talisman doit être formé sur une plaque ronde, de plomb bien affiné & purifié, & on imprimera sur l'un des deux côtés le nombre mystérieux de quinze distribué en lignes, suivant la disposition que l'on voit ici.

2 4 9
7 5 3
6 1 8

[Compare with version in Agrippa:]

Et de l'autre côté de la plaque, on imprimera la figure hiéroglyfique de la planete, qui sera un vieillard barbu, tenant en main une espece de pioche, en posture d'un homme qui fouit la terre, & au-dessus de sa tête une étoile, avec ce mot, Saturne. On commencera l'impression des figures mystérieuses avec les ferremens au moment que l'on aura prévu que la constellation de Saturne est en aspect favorable, la Lune entrant dans le premier degré [75] du signe du Taureau ou du Capricorne. Et quand l'opération sera finie, vous anvelopperez le talisman dans un morceau d'étoffe de soie noire.

Ce talisman est d'un grand secours, premiérement, pour les femmes qui sont en mal d'enfantement, car elles n'y souffrent presque point de douleur; c'est ce qui a été éprouvé plusieurs fois, avec un heureux succès, par des personnes de qualité, qui étoient sujettes à faire de mauvaises couches. Il multiplie aussi & augmente les choses avec lesquelles on le met. Si un cavalier le porte dans sa botte gauche, son cheval ne pourra être aucunement blessé. Il a tous les effets contraires à ceux-ci, lorsqu'on le forme dans le tems que la constellation de Saturne est dans une situation funeste, & la Lune rétrograde dans les signes susdits.

[76]

Maniere de faire le mercure pour en former des plaques à faire des talismans.

Il faut choisir un jour de mercredi du printems, d'où l'on connoît que la constellation de Mercure soit en aspect bénin avec le Soleil & Vénus, & après avoir invoqué & conjuré les esprits & génies directeurs des influences de cette planete, on préparera les drogues nécessaires, en la maniere suivante: sel ammoniac, verd de gris, vitriol romain, deux onces de chacun bien pulvérisé; on mettra le tout ensemble dans une marmite de fer ou de fonte neuve, avec trois pintes d'eau de forge; que le tout bouille jusqu'à la réduction d'une pinte, puis on y jettera deux onces de bon mercure que l'on remuera bien avec une espatule, durant que tout bout ensemble, jusqu'à ce que ces matieres deviennent épaisses; ensuite on les laissera refroidir, & on fera évacuer par la [77] filtration le peu d'eau qui restera; on trouvera au fond de la marmite une pâte de terre grise, que l'on lavera avec de l'eau commune, deux ou trois fois, faisant toujours évacuer l'eau par filtration, puis on étendra ladite pâte sur une planche de chêne bien polie, & on la laissera sécher au soleil; après quoi on y ajoutera deux onces de terra merita, & autant de tutie d'Alexandrie en poudre, & on mettra le tout dans un creuset luté hermétiquement avec un autre creuset, ensorte que les deux sembent ne faire qu'un seul vaisseau sans ouverture, & que rien ne puisse s'évaporer quand il est sur le feu de rectification; ces deux creusets se lutent l'un sur l'autre avec une pâte de terre grasse, de la fiente de cheval, de la fine poudre de limaille de fer; & il ne faut pas mettre le creuset luté au fourneau, avant que cette composition qui en fait la jointure, soit bien séchée. Quand le creuset aura été une heure au fourneau ardent, on [78] augmentera le feu jusqu'à ce que le creaset en rougisse. A la troisieme heure on augmentera le feu, en soufflant toujours, puison laissera refroidir le creuset, on le délutera & on trouvera au fond le mercure en grenouille, on le recueillera jusqu'aux plus petits grains, & on remettra le tout dans un autre creuset, avec un peu de borax pour le fondre; ce qu'étant fait, vous aurez un très-beau mercure fixé, bien propre, pour sa pureté, à former des talismans & des anneaux mystérieux qui auront la propriété de vous attirer les bénignes influences de la planete de Mercure, pourvu qu'on soit exact àles travailler suivant les regles de l'art.

Pour construire d'autres talismans avec les caracteres que les anciens cabalistes ont appropriés aux sept planetes.

On se servira des plaques de même métal dont on a parlé ci-devant, & on commencera l'opération aux heures [79] & momens convenables aux bénignes influences; sur un côté de la plaque on imprimera, en forme de carré, les caracteres qui sont marqués ci-après; c'est à savoir, pour le Soleil, ceux que l'on trouvera à la premiere ligne. Pour la Lune, ceux que l'on trouvera à la seconde ligne. Pour Mars, ceux que l'on trouvera à la troisieme ligne. Pour Mercure, ceux, que l'on trouvera à la quatrieme ligne. Pour Jupiter, ceux que l'on trouvera à la cinquieme ligne. Pour Vénus, ceux que l'on trouvera à la sixieme ligne. Pour Saturne, ceux que l'on trouvera à la septieme ligne. On pourra graver sur l'autre revers de la plaque les mêmes figures hiéroglyfiques dont nous avons parlé, & on éprouvera de merveilleux effets. Je ne doute point quos, si ce mien livre tombe ès mains des gens de petit esprit & de peu de savoir, ils ne le taxent de superstitieux; parce qu'ils s'imagineront que les admirables merveilles dont je traite [80] se font par le ministere des mauvais esprits: car, disent-ils, comment peut-on comprendre qu'une plaque de métal, chargée de quelques caracteres & figure, opere des choses qui surpassent les forces ordinaires de la nature? J'argumenterois volontiers contre ces sortes de personnes & leur dirois: Vous croyez donc que les mauvais esprits peuvent faire ces choses qui surpassent l'ordre ordinaire de la nature? Mais pourquoi ne croyez-vous donc pas que le créateur de l'univers soit assez puissant pour avoir imprimé dans les créatures des secrets dont les ressorts ne se remuent que de telle ou telle maniere? Pourquoi faites-vous difficulté de reconnoître que celui qui a donné à l'aiman la vertu secrette d'attirer à soi une masse pesante de fer d'un lieu à un autre, est assez puissant pour donner aux astres, qui sont des créatures infiniment plus parfaites que l'aiman, & que tout ce qu'il y a de plus précieax sur la terre, [81] a des propriétés & des vertus secrettes, qui surpassent la portée de nos esprits, d'autant plus que ces astres sont régis par des intelligences célestes qui reglent leurs mouvemens?

Mais quelle difficulté peut-on faire de croire quede certains caracteres ou de certaines figures rangées sur une plaque de métal, puissent produire quelqu'effet surprenant, puisque l'on croit & que l'on voit évidemment que dans l'aiman de certaines petites parties de matieres sphériques, acuës ou triangulaires, rangées dans la nature dans un certain ordre, produisent de si admirables effets, non-seulement d'attirer une mass de fer, mais de tourner toujours l'aiguille des boussoles, du côte de l'étoile polaire, & de régler les cadrans au soleil, &c...

Je voudrois encore demander à ces personnes scrupuleuses, pourquoi dans la Suisse & aux pays'des Sueves, où il y a grand nombre de serpens, à cause des montagnes, pourquoi ces [82] serpens entendent-ils le grec, & craignent-ils si sort la vertu efficace de ces trois mots, osy, osya, osy, qu'ils bouchent promptement une de leurs oreilles avec le bout de leur queue & abouchent l'autre contre la terre, afin de ne pas entendre ces paroles, qui les rendent immobiles & tout stupéfiés, & incapables de nuire aux hom­ines? Si l'on me dit que c'est la nature qui produit en eux cet instinct, pourquoi la nature sera-t-elle moins ingénieuse dans les autres créatures? &c...

[38. Des peuples qui habitent les quatre élémens, sous les noms des Salamandres, des Gnomes, des Sylphes & des Nymphes.]

Je révolterai peut-être bien des gens contre moi, si je dis qu'il y a des créatures dans les quatre élémens qui ne sont ni de purs animaux, ni des hommes, quoiqu'ils en aient la figure & le raisonnement, sans en avoir l'ame, raisonnable. Le célebre Paracelse en parle encore plus clairement, en disant que ces peuples des élémens ne sont point de la tige d'Adam, quoiqu'ils paroissent de véritables hommes, mais que c'est un genre & une [83] espece de créatures, toujours différentes de la nôtre. Porphire enchérissant sur Paracelse, dit, que non-seulement ces créatures sont raisonnables, mais même qu'elles adorent & reconnoissent Dieu par un culte de religion; & pour preuve de son dire, il rapporte une oraison très-sublime & très-mystérieuse d'une de ces créatures qui habitent dans l'élément du feu, sous le nom de Salamandres; peut-être que je ferai plaisir à mes lecteurs de leur en donner une copie, qui sera utile dans la suite.

Oraison de Salamandres.

Immortel, éternel, ineffable & sacré pere de toutes choses, qui est porte sur le charriot roulant sans cesse des mondes qui tournent toujours. Dominateur des campagnes éthéreennes, où est le trône de ta puissance, du haut duquel tes yeux redoutables découvrent tout, & tes saintes oreilles écoutent tout. Exauce tes enfans, que tu as aimés dès la naissance [84] des siechs; car ta durée & grande & éternelle majesté resplendit au-dessus du monde & au ciel des étoiles. Tu es élevé sur elles, ô feu étincelant, & tu t'allumes & t'entretiens toi-même par ta propre splendeur, & il sort de ton essence des ruisseaux intarissables de lumieres qui nourrissent ton esprit infini. Cet esprit produit toutes choses, & fait ce trésor inépuisable de matiere, qui ne peut manquer à la génération qu'il environne toujours à cause des formes sans nombre dont elle est enceinte, & dont tu l'as remplie au commencement. De cet esprit tirent aussi leur origine ces rois très-saints qui sont debout autour de ton trône, & qui composent ta cour, ô pere universel, ô unique, ô pere des bienheureux mortels & immortels! Tu as créé en particulier des patiences qui sont merveilleusement semblables à ton éternelle pensée & à ton essence adorables. Tu les as établies supérieures aux anges qui annoncent au monde tes volontés. Enfin, tu as crée une troisieme sorte de souverains dans les [85] élémens. Notre continuel exercise est de te louer & d'adorer tes desirs. Nous brûlons du desir de te posséder. O pere! ô mere, la plus tendre des meres! O exemple admirable des sentimens & de la tendresse des meres. O fils, la fleur de tous les fils! O forme de toutes les for­me! Ame, esprit, harmonie & nombre de toutes choses, conserve-nous & nous sois propice. Amen.

Or, tous ceux d'entre les anciens philosophes & les modernes de nos derniers siecles, qui ont été persuadés que les quatre élémens sont peuplées de créatures raisonnables, les distribuent en cette maniere. L'élément du feu est habité par les Salamandres; lélément de l'air est habité par les Sylphes; l'élément de l'eau est habité par les Nymphes; & l'élément de la terre est habité par les Gnomes ou Pygmées. Et ils croient que ces créatures ont été faites par le créateur, pour rendre des services importans [86] aux hommes, & les punir quand ils sont rebelles à ses volontés.

On prétend que ces créatures extraordinaires sont d'une nature spirituelle; non pas d'une spiritualité qui exclut toute matiere, mais d'une spiritualité, qui n'admet pour fondement substantiel, qu'une matiere infiniment déliée, & autant imperceptible que l'air; & sur ce principe, les sages cabalistes qui ont bien connu la nature de ces créatures élémentaires, ont dit qu'elles ont sur routes autres qualités celles de l'agilité & de la pénétrabilité; ensorte qu'en un moment elles peuvent venir de fort loin au secours des homines, qui ont besoin de leur ministere, & peuvent pénétrer, sans fractions, les endroits où les hommes sont détenus.

Pour ce qui regarde leurs mœrs, ces peuples sont fort réglés, suivant les loix de la nature, grands ennemis des hommes qui vivent dans le déréglement & contre les lumieres de la [87] raison. Et c'est sur ce principe que les sages cabalistes, qui ont donné des enseignemens pour parvenir à la découverte des mysteres de la philosophie occulte, ont recommande sur toutes choses, aux sectateurs de cette sublime science, de vivee en gens de bien, exempts de toute impureté, de toute débauche, & de tout ce qui s'écarte de la droite raison; d'autant que les plus grandes merveilles qui dépendent de la science occulte; s'operent par le ministere de ces peuples élémentaires qui sont comme les canaux, ou pour mieux dire, les économes des influences, bénignes des astres.

Dans les siecles passés, où l'on vivoir dans une plus grande modération des passions, & avec moins de corruption de la nature, ces peuples élémentaires avoient beaucoup plus de fréquentation avec les hommes que dans nos derniers siecles, & on y voyoit des prodiges qui donnoient de l'admiration, parce qu'ils sembloient outrepasser [88] l'ordre naturel; mais si la corruption de la nature ne régnoit, l'ignorance y étoit si grande, que la plupart des hommes attribuoient à magie ou diablerie, presque tout ce qui se faisoit par le ministere de ces peuples élémentaires; c'est ce que l'on peut voir dans les capitulaires de Charlemagne, & dans les ordonnances qui furent faites sous le regne de Pepin, & les merveilles dont les histoires de ces anciens tems sont mention, passent maintenant pour des contes de fées. Je renvoie aux savans écrits de Paracelse ceux de mes lecteurs qui voudront être instruits plus à fond de ces peuples élémentaires, & des commerces secrets, qu'ils ont avec les hommes. Ceux qui ont voyagé dans les pays septentrionaux, & sur-tout dans la Laponie, ne peuvent pas ignorer les services que les Gnomes y rendent aux habitans de ces régions, soit pour les garantir des périls, en les avertissant lorsqu'ils travaillent, des prochains [89] eboulemens de terre, soit en leur faisant connoître les endroits où les mines sont plus abondantes en précieux métaux.

Les Lapons sont si fort habitués aux fréquentes apparitions des Gnomes, que bien loin d'en être effrayés, ils s'attristent, lorsqu'ils ne paroissent point quand ils travaillent dans ies minieres; parce que c'est une marque que ces mines sont stériles en métaux, quand les Gnomes n'y font pas leur résidence; & c'est une créance populaire que le créateur les a commis à la garde des trésors souterreins, & qu'ils ont la faculté de les dispenser comme bon leur semble.

Ceux qui sont occupés à la découverte des mines d'or & d'argent, observent quelques cérémonies pour se concilier la bienveillance des Gnomes, afin qu'ils ne leur soient pas contraires dans leurs entreprises; l'expérience leur a appris qu'ils se plaisent fort aux parfums, & c'est pour cela que les [90] sages cabalistes en ont ordonné de propres à chaque jour de la semaine, par rapport aux sept planetes; & comme je sais par expérience que plusieurs personnes ont réussi à la découverte des trésors, par le moyen des parfums, je veux bien, en faveur de mes lecteurs, donner ici la vraie maniere de les faire, afin qu'ils puissent être agréables aux Gnomes gardiens des trésors. Car il faut savoir, que de toutes les créatures qui habitent dans les quatre élémens, il n'y en a point qui soient plus ingénieuses à nuire ou à faire du bien aux hommes, suivant les sujets qu'on leur en donne.

Parfum du dimanche, sous les auspices du Soleil.

Tous les parfums se doivent faire dans un petit réchaud de terre neuf, sur du charbon de bois de coudrier ou de laurier. Pour brûler le parfum, il doit être allumé du feu que l'on fait exprès avec le caillou d'un [91] petit fusil; il est bon même d'observer que le caillou, la meche, l'allumette & la bougie soient neufs, & qu'ils n'aient servi à aucun usage profane; car les Gnomes sont extrêmement difficiles, & peu de chose les irrite. On préparera donc pour le parfum du dimanche les drogues suivantes; savoir, la quatrieme partie d'une once de safran, autant de bois d'aloës, autant de bois de baume, autant de graine de laurier, autant de clous de girofle, autant de myrthe, autant de bon encens, un grain de musc, un grain d'ambre gris; il faut pulvériser & mêlanger ensemble toutes ces drogues, & vous en formerez de petits grains avec un peu de gomme adragant, détrempée dans de l'eau rose, & quand ils seront bien secs, vous vous en servirez dans l'occasion, en les jettant trois à trois sur les charbons ardens.

[92]

Parfum du lundi, sous les auspices de la Lune.

Ce parfum doit être formé des dro­gues suivantes. Vous prendrez une tête de grenouille verte, les prunelles des yeux d'un taureau blanc, de la graine de pavot blanc, de l'encens le plus exquis, comme storax, benjoin ou oliban, avec un peu de camphre, pulvérifez toutes ces drogues & les mêlez ensemble, puis vous en formerez une pâte avec da sang d'une jeune oie ou d'une tourterelle, & de cette pâce vous formerez de petits grains pour vous en servir trois à trois, quand ils seront bien secs.

Parfum pour le mardi, sous les auspices de Mars.

Ce parfum doit être composé d'euphorbe, de bdellion, de sel ammo­niac, de racines d'ellébore, de poudre de pierre d'aimant & d'un peu de fleur de soufre; vous pulvériserez le [93] tout ensemble, & ferez une pâte avec du sang de chat noir & de la cervelle de corbeau, & de cette pâte vous en formerez ces grains pour vous en ser­vir trois à trois, dans les occasions.

Parfum du mercredi, sous les auspices de Mercure.

Ce parfum doit être composé de graine de frêne, de bois d'aloës, de bon storax, de benjoin, de poudre d'azur, de bouts de plumes de paon; vous pulvériserez & incorporerez ces drogues avec du sang d'hirondelle & un peu de cervelle de cerf, vous en ferez une pâte, & de cette pâte vous en formerez de petits grains, pour vous en servir trois à trois dans les occasions, quand ils seront secs.

Parfum du vendredi, sous les auspices de Venus.

Ce parfum doit être de musc, d'ambre gris, de bois d'aloës, de roses seches, de corail rouge; pulvérisez [94] toutes ces drogues, & les incorporez ensemble avec du sang de colombe ou de tourterelle, & de la cervelle de deux ou trois passeraux, vous en ferez une pâte, & de cette pâte vous formerez de petits grains, pour vous en servir trois à trois dans les occasions, quand ils seront bien secs.

Parfum du samedi, sous les auspices de Saturne.

Ce parfum doit être composé de graine de pavot noir, de graine de jusquiame, de racine de mandragore, de poudre d'aiman & de bonne myrthe. Vous pulvériserez bien toutes ces drogues, & les incorporerez ensemble avec du sang de chauve-souris & de la cervelle de chat noir, vous en ferez une pâte, & de cette pâte vous formerez de petits grains pour vous en servir trois à trois dans les occasions, quand ils seront bien secs.

Nous avons dit avant que de donner la maniere de faire ces parfums, [95] que les Gnomes sont de toutes les créatures qui habitent les quatre élémens, les plus ingénieuses à faire du bien ou à nuire aux homines, suivant les sujets qu'on leur en donne; c'est pourquoi ceux qui travaillent aux minéraux ou à la recherche des trésors, étant prévenus de cela, font tout ce qu'ils peuvent pour se les rendre agréables, & se précautionner autant qu'ils peuvent contre les effets de leur indi­gnation; & l'expérience a fait connoître plusieurs fois que la verveine & le laurier sont d'un bon usage pour empêcher que les Gnomes ne nuisent au travail de ceux qui sont occupés à chercher sous terre les trésors. Voici de quelle maniere Jamblic & Arbatel en parlent dans leurs secrets cabalistiques.

Lorsque par les indices naturels ou surnaturels, c'est-à-dire, par la révé­lation faite en songe, vous serez bien assuré de l'endroit où il y aura un trésor, vous ferez sur cet endroit le parfum [96] propre au jour auquel vous voudrez commencer à fouir la terre, puis vous planterez à main droite une branche de laurier verd, & à main gauche une branche de verveine, & vous ferez l'ouverture de la terre entre ces deux branches; & quand vous aurez fait un creux de toute votre hauteur, vous ferez de ces deux bran­ches une couronne que vous entourerez autour de votre chapeau ou bonnet, & au-dessus de cette couronne vous attacherez le talisman dont je vais donner ici le modele. Si l'on est plusieurs, il faucque chacun ait une couronne de même.

On le peut faire sur une plaque d'étain fin & bien purifié, au jour & heur de Jupiter; le thême du ciel étant dans une heureuse situation, on y formera d'un côté la figure de la fortune, comme elle est ici représentée, & de l'autre côté ces paroles, en gros caractere:

OMOUSIN ALBOMATATOS

[97]

Et si l'on est plusieurs jours à travailler avant que d'arriver à l'endroit où est le trésor, on renouvellera chaque jour le parfum qui sera propre au jour, comme nous l'avons expliqué ci-devant; ces précautions seront cause que les Gnomes, gardiens du trésor, ne seront point nuisibles, & même vous aideront dans vos entreprises; c'est une preuve dont j'ai été témoin oculaire, avec un heureux succès, dans le vieux château d'Orviete.

J'ai parlé ci-devant des indices naturels, par lesquels on peut faire la découverte des trésors, & je m'explique plus nettement. Paracelse, dans son traité de la philosophie occulte, page 489, dit que pour avoir des indice certains de lieux où il y a des trésors & des richesses cachées, il faut observer les endroits où durant la nuit des spectres ou fantômes apparoissent, ou qualqu'autre chose extraordinaire qui épouvante les passans & ceux qui habitent dans ces lieux, & particuliérement [98] la nuit du vendredi au samedi. Si l'on y voit des feux volans, des tumultes & des fracas, ou qualqu'autre chose semblable, on peut former une conjecture raisonnable, qu'il y a dans ces lieux quelque trésor caché.

Mais l'homme prudent n'en demeurera pas là; il faut se donner de garde d'être surpris par le rapport d'autrui, & sur-tout de certaines gueusailles, ou petites femmelettes, qui, sur des visions chimériques, engagent les honnêtes gens à des recherches inutiles: il ne faut donc s'engager dans ces sortes de recherches, que sur le témoignage de gens qui ne soient point suspects, c'est-à-dire, qui aient de la probité, & qui soient d'un esprit solide; & il sera encore plus sur d'expérimenter par soi-même ces sortes de visions, en faisant résidence sur les lieux.

Il ne faut pourtant pas absolument rebuter ceux qui nous font ces sortes [99] de rapports, mais en examiner prudemment les circonstances, car je suis témoin que, si on avoir voulu croire Philippe d'Ortano, chirurgien-major de la petite garnison du vieux château d'Orviete, on auroit négligé l'entreprise que l'on poussa à boit avec un heureux succès; car, comme il étoit grand parleur, & assez persuasif dans ce qu'il disoit, il tournoit en ridicule ce que l'on rapportoit des apparitions que plusieurs domestiques & soldats avoient eues dans le lieu où le trésor fut trouvé.

Celui qui voudra s'appliquer à la recherche d'un trésor prétendu caché, doit examiner la qualité du lieu, nonseulement par la situation présente de ce lieu, mais par rapport à ce que les anciennes histoires en disent; car on doit remarquer qu'il y a de deux sortes de trésors cachés. La premiere sorte est de l'or & de l'argent, qui a été sormé dans les entrailles de la terre, par la vertu métallique des astres [100] & du terrein où il est. La second sorte est de l'or & de l'argent monnoyé ou mis en œuvre d'orfévrerie, & qui a été déposé en terre pour diverses raisons, comme de guerres, de pestes & autres; & c'est ce que le sage rechercheur de trésors doit examiner, en considérant si ces circonstances conviennent au lieu dont il est question. Ces sortes de trésors d'or, d'argent monnoyé, & de vaisselle d'orfévrerie se trouvent ordinairement dans les débris & masures des anciennes maisons de qualité & châteaux, ou proche de vieilles églises ou chapelles ruinées. Et les Gnomes ne prennent point possession de ces sortes de trésors, si ce n'est que volontairement ceux qui les déposent & enfouissent dans les lieux souterreins ne les y invitent que par la vertu des parfums & talismans faits à ce sujet; & en cette conjecture, il faut les en déposséder par de plus forts parfums & talismans, comme nous avons dit; ceux que l'on forme sous [101] les auspices de la Lune & de Saturne, la Lune entrant dans les signes du Taureau, du Capricorne ou de la Vierge, sont les plus efficaces.

Il faut sur-tout que ceux qui sont occupés à cette recherche ne s'épouvantent pas; car il ne manque pas d'arriver assez ordinairement que les Gnomes, gardiens des trésors, fascinent l'imagination des travailleurs, par des représentations & visions hideuses; mais ce sont des contes de bonnes gens du tems passé, de dire qu'ils étranglent ou tuent ceux qui approchent des trésors qui sont en leur garde, & si quelques-uns sont morts dans les cavités souterreines, en faisant la recherche, cela est peut-être arrivé, ou par l'infection de ces lieux, ou par l'imprudence des travailleurs, qui n'appuient pas solidement les endroits qu'ils creusent, quand ils sont ensévelis sous les ruines. C'est un badinage de dire qu'il faut garder un profond silence en creusant: au contraire, [102] c'est le moyen de s'épouvanter plus facilement par les imaginations fantastiques; on peut donc sans scrupule parler de choses indifférentes, ou même chanter, pourvu qu'on ne dise rien de dissolu & d'impur, qui puisse irriter les esprits.

Si, en avançant le travail, on entend plus de bruit qu'auparavant, que l'on ne s'épouvante pas, mais que l'on redouble les parfums, & que quelqu'un de la compagnie récite à haute voix l'oraison des Salamandres que j'ai donnée ci-devant, & ce sera le moyen d'empêcher que les esprits n'emportent plus loin le trésor, se rendant attentifs aux mystérieuses paroles que l'on récitera, & pour lord on doit redoubler vigoureusement le travail: je ne dis rien qui n'ait été éprouvé en ma présence avec succès; le petit livre de l'Enchiridion est bon dans ces occasions, & cause de ses mystérieuses oraisons.

Il est arrivé qualquefois que les [103] Gnomes ont transmué les métaux précieux en des matieres viles & abjectes, & ont trompé les ignorans qui n'étoient pas informés de leurs subtilités: mais le sage & prudent fossoyeur, qui trouvera dans les entrailles de la terre de ces sortes de matieres, qui naturellement n'y doivent pas être, les recueillera & les éprouvera au feu, composé de bois de laurier, de fougere & de verveine; le charme se dissipant par ce moyen, les métaux retourneront en leur premiere nature; un signe assez ordinaire de ces transmutations fantastiques, c'est lorsque l'on trouve ces matieres viles & sordides dans des vaisseaux, ou de terre cuite, ou de pierre taillée, ou d'airain; & pour lors il ne faut pas les négliger, mais les éprouver au feu, comme je viens de dire.

Je finirai sur cette matiere avec le secret que donne Cardan pour connoître si le trésor est dans un lieu où l'on creuse. Il dit qu'il faut avoir une [104] grosse chandelle, composée de suif humain, & qu'elle soit enclavée dans un morceau de bois de coudrier, fait en la maniere qui est représentée dans la maniere suivante; & si la chandelle

chandelle

étant allumée dans le lieu souterrein, y fait beaucoup de bruit en pétillant avec éclat, c'est une marque qu'il y a un trésor en ce lieu; & plus on approchera du trésor, plus la chandelle pétillera, & enfin elle s'éteindra quand on sera tout-à-fait proche; il faut avoir d'autres chandelles dans des lanternes, afin de ne pas demeurer sans lumiere. Quand on a des raisons [105] solides pour croire que ce sont des esprits des hommes désuns qui gardent les trésors, il est bon d'avoir des cierges bénis au lieu de chandelles communes, & les conjurer de la part de Dieu, de déclarer si l'on peut faire qualque chose pour les mettre en lieu de bon repos; & il ne faudra jamais manquer d'exécuter ce qu'ils auront demandé.

Tromperie de la mandragore artificielle.

IL y a des suborneurs de peuple qui, abusant de la crédulité & simplicité des bonnes gens, se mettent en grand crédit par des tours de souplesse, qui en apparence ont quelque chose de surnaturel: de ce genre est la mandragore artificielle, avec laquelle ils contrefont les oracles divins. Comme je passois par Lille en Flandre, je fus invité, par un de mes amis à l'accompagner chez une vieille femme qui se mêloit de ce badinage, & qui passoit pour une grande devineresse, [106] & je découvris sa fourberie, qui ne pouvoit être long-tems cachée qu'à un peuple aussi grossier qui sont les Flamands. Cette vieille nous conduisit dans un petit cabinet obscur, éclairé seulement d'une lampe, à la lueur de laquelle on voyoit sur une table couverte d'une nape une espece de petite statue ou poupée, assise sur un trépied, ayant le bras gauche étendu, tenant de la même main gauche une petite cordelette de soie fort déliée, au bout de laquelle pendoit une petite mouche de fer bien poli, & au-dessous il y avoit un verre de fougere, ensorte que la mouche pendoit dans le verre, environ la hauteur de deux doigts. Et le mystere de la vieille consistoit à commander à la mandragore de frapper la mouche contre le verre, pour rendre témoignage de ce que l'on vouloit savoir.

La vieille disoit, par exemple: Je te commande, mandragore, au nom de celui à qui tu dois obéir, que si [107] monsieur un tel doit être heureux dans le voyage qu'il va faire, tu fasses frapper la mouche trois fois contre le verre; & en disant les dernières paroles, elle approchoit sa main à une petite distance, empoignant un petit bâton qui soutenoit sa main élevée à peu près à la hauteur de la mouche suspendue, qui ne manquoit point de frapper les trois coups contre le verre, quoique la vieille ne touchât en aucune façon à la statue ni à la cordelette, ni à la mouche; ce qui étonnoit ceux qui ne savoient pas la minauderie dont elle usoit. Et afin de duper les gens par la diversité de ses oracles, elle défendoit à la mandragore de faire frapper la mouche contre le verre, si telle ou telle chose devoit ou ne devoit pas arriver; par exemple: Je te défends, mandragore, au nom de celui à qui tu dois obéir, que tu ne fasses point frapper la mouche contre le verre, si monsieur un tel doit mourir avant sa femme; & [108] mettant la main en la même posture que j'ai dit, la mouche ne frappoit point contre le verre.

Voici en quoi consistoit tout l'artifice de la vieille, dont je m'aperçus après l'avoir examinée un peu attentivement. La mouche de fer, qui étoit suspendue dans le verre au bout de la cordelette de soie, étant fort légère & bien aimantée, quand la vieille vouloit qu'elle frappât contre le verre, elle mettoit à un de ses doigts une bague, dans laquelle étoit enchassé un assez gros morceau d'excellent aimant; de manière que la vertu magnétique de la pierre mettoit en mouvement la mouche aimantée, & lui faisoit frapper autant de coups qu'elle vouloit contre le verre; & lorsqu'elle vouloit que la mouche ne frappât plus, elle ôtoit de son doigt la bague, sans qu'on s'en aperçût. Ceux qui étoient d'intelligence avec elle, & qui lui attiroient des pratiques, avoient soin de s'informer adroitement des [109] affaires de ceux qu'ils lui amenoient, & ainsi on étoit facilement dupé.

Autre tromperie par la tête de S. Jean.

L'avidité de gagner de l'argent est une vraie tyrannie dans le cœur de l'homme, qui le rend ingénieux jusqu'à la profanation des choses saintes. Le poëte ancien avoit bien raison de se plaindre en ces termes: Auri sacra fames, quid non mortalia pectora cogis?

Je dis cela à l'occasion d'une autre supercherie que j'ai vu pratiquer à ces sortes de gens dont je viens de parler. Ils avoient disposé une table carrée, soutenue de cinq colonnes, une à chaque coin, & une dans le milieu; celle du milieu étoit un gros tuyau de carton épais, peint en bois, la table étoit percée à l'opposite de ce tuyau, & un bassin de cuivre, aussi percé, étoit mis sur le trou de la table; & dans le bassin étoit une tête de saint Jean, de gros carton, peinte au naturel, qui étoit creuse, ayant [110] la bouche ouverte; il y avoit un portevoix qui passoit à travers le plancher de la chambre qui étoit au-dessous du cabinet oû tout cet attirail étoit dressé, & ce porte-voix aboutissoit au cou de cette tête; de maniere qu'une personne, parlant par l'organe de ce porte-voix de la chambre d'en-bas, se faisoit entendre distinctement dans lre cabinet, par la bouche de saint Jean. Ainsi le prétendu devin ou devineress, affectant de faire qualque cérémonie superstitieuse pour infatuer ceux qui venoient consulter cette tête, il la conjuroit au nom de saint Jean, de répondre sur ce que l'on vouloit savoir; & proposoit la difficulté, d'une voix assez haute pour être entendu de la chambre de dessous, par la personne qui devoit faire la réponse, par le porte-voix, étant instruite à-peu-près de ce qu'elle devoit dire.

[111]

Subtilités naturelles, qui ont quelque chose qui donne de l'admiration.

Voici la maniere de faire un cierge magique, au moyen duquel celui qui le tiendra allumé, paroîtra sans tête. Vous prendrez la peau dont le serpent s'est nouvellement dépouillé, de l'opiment, de la poix grecque, du reupondique, de la cire vierge, & du sang d'un âne; vous broierez toutes ces choses ensemble, & vous les mettrez bouillit à petit feu, durant trois ou quatre heures, sans un vieux chauderon plein d'eau de maraisl puis les laissant refroidir, vous séparerez la masse de vos drogues d'avec l'eau, & vous en composerez un cierge, dont le lumignon sera de plusieurs fils d'un linceul oû un mort aura été enséveli; & quiconque allumera ce cierge, en sera éclairé & paroîtra sans tête.

[112]

Autre au même sujet.

Si vous voulez que tous ceux qui seront dans unr chambre paroissent en forme de grands éléphans ou de chevaux, vous ferez un parfum en cette maniere. Il faut broyer de l'alkekenge avec de la graisse de dauphin, & en former de petits grains, de la grosseur de grains de citron; puis vous aurez de la fiente d'une vache qui ne nourrisse point de veau; vous ferez bien sécher cette fiente, ensorte qu'on puisse en faire du feu, & vous aurez le divertissement que vous souhaiterez, pourvu que la chambre soit si bien close, que la fumée n'en puisse sortir que par la porte.

Autre au même sujet.

Pour faire paroître une chambre pleine de serpens & d'autres figures qui donnent de la terreur, vous y [113] allumerez une lampe qui soit garnie de ce qui suit.

lampe

Prenez de la graisse d'un serpent noir, avec la derniere peau qu'il aura quitté; vous ferez bouillir cette graisse & cette peau avec de la verveine, dans un chauderon où vous aurez mis deux pots d'eau de forge, & au bout d'un quart-d'heure vous tirerez le chauderon de dessus le feu, & vous coulerez cette composition dans un morceau de linceul qui air servi à un mort; vous laisserez refroidir la composition; & vous ôterez [114] avec une cuiller la graisse qui sera congelée sur l'eau; puis vous ferez un lumignon avec des fils de linceul mortuaire; & ayant mis dans le fond de la lampe la peau bouillie du serpent, vous assurerez le lumignon avec la graisse; & quand la lampe sera allumée avec de l'huile d'ambre, vous aurez un spectacle hideaux de serpens, qui épouvanteront ceux qui ne sauront pas le secret de cette lampe.

Autre au même sujet.

J'ai éprouvé en Flandre l'effet d'une lampe pour délivrer de l'importun croassement des grenouilles, & pour leur imposer subitement silence; c'étoit dans le château du sieur Tillemont, dont les fossés étoient si remplis de ces criards insectes, que l'on avoit peine à reposer la nuit. Nous fimes sondre de la cire blanche au soleil avec de la graisse de crocodile qui est à-peu-près comme l'huile de baleine; & je crois même que cette [115] huile auroit le même effet que la graisse de crocodile qui est assez rare en ce pays. Nous garnîmes une lampe de cette composition avec un assez gros lumignon, & elle ne fut pas si-tôt allumée & posée sur le bord du fossé, que les grenouilles cesserent leur croassement.

De la maine de gloire dont se servent les scélérats voleurs, pour entrer dans les maisons de nuit sans empêchement.



la maine de gloire

J'avoue que je n'a jamais éprouvé le secret de la main de gloire; mais j'ai assisté trois fois au jugement définitif de certains scélérats qui confesserent à la torture s'être servis de la main de gloire dans les vols qu'ils avoient faits; & comme dans l'interrogatoire on leur demanda ce que c'étoit, & comment ils l'avoient eue, & quel en étoit l'usage, ils répondirent, premiérement, que l'usage de la main de gloire étoit de stupéfier & rendre [116] immobiles ceux à qui on la présentoit, ensorte qu'ils ne pouvoient non plus branler que s'ils étoient morts; secondement, que c'étoit la main d'un pendu; troisiémement, qu'il falloit la préparer de la maniére suivante. On prend la main droite ou la gauche d'un pendu exposé sur les grands chemins; on l'enveloppe dans un morceau de drap mortuaire, dans lequel on la presse bien pour lui faire rendre le peu de sang qui pourroit être resté; puis on la met dans un vase de terre avec du zimat, du salpêtre, du sel & du poivre long, le tout bien pulvérisé: on la laisse durant quinze jours dans ce pot; puis l'ayant tirée on l'expose au grand soleil de la canicule, jusqu'à ce qu'elle soit devenue bien séche; & si le soleil ne suffit pas, on la met dans un four qui soit chauffé avec de la fougere & de la verveine; puis l'on compose une espece de chandelle avec de la graisse de pendu, de la cire vierge & du sisame de Laponie, & l'on se sert de cette main [117] de gloire comme d'un chandelier, pour y tenir cette chandelle allumée; & dans tous les lieux où l'on va avec ce funeste instrument, ceux qui y sont demeurent immobiles; & sur ce qu'on leur demanda, s'il n'y avoit point de remede pour ce garantir de ce prestige, ils dirent que la main de gloire devenoit sans effet, & que les voleurs ne pourroient s'en servir si on frottoit le seuil de la porte de la maison, ou les autres endroits par oû ils peuvent entrer, avec un onguent composé de siel de chat noir, de graisse de poule blanche & du sang de chouette, & qu'il falloit que cette confection fût faite dans la temps de la canicule.


Autre pour rendre un homme ou femme insensible à la torture, ensorte qu'on ne pourra rien tirer de leur confession.

A propos de ce que je viens de dire de la déclaration que les scélérats avoient faite étant exposés à la gêne, je rapporterai par le détail de ce que [118] j'ai appris du sieur Bamberge, fameux juge criminel d'Oxfort. Il m'a dit qu'il avoit assisté plusieurs fois au jugement criminel de certains scétérats, qu'on ne pouvoir presque pas convaincre que par leur déposition, attendu que leurs crimes avoient été commits si secrétement, & avec de relles précautions, qu'on ne leur pouvoir produire suffisans témoins, quoiqu'il y eût de fortes présomptions contr'eux, & que ces gens se fioient si fort à des secrets qu'ils avoient, de se rendre insensibles à la gêne, qu'ils se constituoient volontairement prisonniers pour se purger de ces prétendues présomptions. Il y en a qui se servent de certains paroles, prononcées à voix basse; & d'autres de petits billets qu'il cachent en quelque partie de leur corps. Voici trois vers qu'ils prononcent dans le tems qu'on les applique à la gêne.

[119]

Imparibus meritis tria pendant corporæ ramis.
Dismas & Gestas in medio est divina potestas,
Dismas damnatur, Gestas as astra levatur.

Voici d'autres paroles qu'ils prononcent lorsqu'ils sont actuellement appliqués à la torture: Comme le lait de la benoite & glorieuse Vierge Marie a été doux & souef à Notre-Seigneur Jesus-Christ, ainsi cette torture & corde soient douces & soueves à mes membres. Le premier que je reconnus se servir de ces sortes de charmes, nous surprit par le constance qui étoit au-dessus de nature; car après la premiere serre de la gêne qu'on lui eut donnée, il parut dormir auffi tranquillement que s'il eêt été dans un bon lit, sans se lamenter, plaindre, ni crier; & quand on eut continué la serre deux ou trois fois, il demeure immobile comme une statue de marbre; ce qui [120] nous fit soupçonner qu'il étoit muni de quelque enchantement, & pour en être éclairci, on le fit dépouiller nu comme la main; & aprè une exacte recherche, on ne trouva autre chose sur lui qu'un petit papier où étoit la figure des trois rois, avec ces paroles sur le revers: Belle étoile, qui a délivré les mages de la persécution d'Hérode, délivre-moi de tout tourment. Ce papier étoit fourré dans son oreille gauche. Or, quoiqu'on lui eût ôté ce papier, il ne laissa pas d'être, ou au moins de paroître insensible aux toutmens; parce que lorsqu'on l'y appliquoit il prononçoit à voix basse, entre ses dents, certaines paroles qu'on ne pouvoit entendre distinctement; & comme il persévéra constamment dans la négation, on fut obligé de la renvoyer en prison jusqu'à ce qu'on eût quelques preuves plus fortes contre lui. On dit que l'on peut faire cesser l'effet de ces paroles mystérieuses en prononçant quelques versets de [121] l'écriture sainte, ou des heures canoniales, comme sont les suivantes: Mon cœur a proféré chose bonne; je dirai toutes mes actions au roi, & lui déclarerai mes œuvres. Le Seigneur ouvrira mes levres, & ma bouche annoncera vérité. Que la méchanceté du pécheur soit confondue; tu perdras, Seigneur, tous ceux qui disent le mensonge.

Onguent par le moyen duquel on peut s'exposer dans le feu sans être brûlé.

Il y a plusieurs siecles que la coutume étoit de recevoir les criminels à prouver leur innocence par l'expérience du feu; mais soit que l'on ait considéré que cette maniere d'agir ne fût pas légitime, parce que c'étoit en quelque façon tenter Dieu sur l'innocence des personnes accusés; soit aussi que l'on ait reconnu qu'il pouvoir y avoir de la fraude dans ces épreuves, la coutume en a été entiérement abolie. En effet, on avoit [122] trouvé, dès ces tems-là, le moyen de suspendre l'activité du feu, suivant ce qu'en disent les anciens historiens. Et voici ce que j'ai recueilli de plus vrai-semblable: il faut faire un onguent composé de suc de bismauve, de glaire d'œuf frais, de semence d'une herbe que l'on appelle sphylion ou herbe aux puces, de la chaux en poudre, du suc de raifort; bien piler & mêler tout cela ensemble, s'en frotter par tout le corps, si on veut faire l'épreuve entiere, ou les mains seulement, si l'on ne veut éprouver le feu qu'en cette partie; & on laissera sécher cet oignement, & on s'oindra derechef jusqu'à trois fois, & ensuite on pourra hardiment soutenir l'épreuve du feu, sans crainte d'en être endommagé.

[48.] Pour l'eau ardente qui sert à une infinité de grandes opérations.

Vous prendrez d'un puissant vin vieux, fort en couleur, violent; & sur deux pintes vous mettrez en infusion [123] un caillou de bonne chaux vive du poids de demi livre ou environ, quarante onces de soufre vif, autant de bon tartre de Montpellier, autant de sel commun; & tout cela étant pilé & mêlé ensemble dans un bon alambic bien luté, vous distillerez à petit feu jusqu'à trois fois votre eau ardente, que vous conserverez, pour votre usage, dans un bocal de verre fort: quelques-uns se contentent de distiller de la serpentine infusée dans du vin & de la chaux vive.

[49.] Pour faire le terrible feu grégeois.

Ce feu est si violent, qu'il brûle tout ce à quoi il est appliqué, sans qu'il puisse être éteint, si ce n'est avec de l'urine, du fort vinaigre, ou du sable. On le compose avec du soufre vif, du tartre, de la sarcocole, de la picole, du sel commun recuit, du pentreol & de l'huile commune; on fait bien bouillir toutes ces drogues ensemble, jusqu'à ce qu'elles consument [124] un morceau de toile qu'on jettera dedans. Il les faut remeur avec une spatule de fer et il ne faut pas s'exposer à faire cette composition dans une chambre, mais dans une cour, car, si le feu prenait, on serait bien embarrassé à l'éteindre.

[50.] Pour avoir la paix.

Je quitte ces matières violentes, pour dire un mot de la paix. J'ai lu, dans le très curieux livre des secrets du Roi Jean d'Aragon, que si quelqu'un, ayant observé que le Soleil est entré au signe de la Vierge, a soin de cueillir de la fleur de souci, qui a été appelée, par les anciens, Epouse du Soleil, et si on l'enveloppe dans des feuilles de laurier avec une dent de loup, personne ne pourra parler mal de celui qui les portera sur lui et il vivra dans une profonde paix et tranquillité avec tout le monde.

[125]

[50b.] Autre, sue le même sujet.

On voit dans un vieux mémoire de l'Histoire de France sous le règne de Charles VII, que ce prince étant dans une extrême consternation de voir son royaume accablé de guerres, eut recours à un saint ermite, pour se recommander à ses prières. Le saint homme lui donna une iumage de Véronique, avec la suivante oraison, qu'il avait écrite sur le revers de l'image, de sa main — assurant que, s'il la portait dévotement et récitait, tous les jours, la susdite oration, ses affaires se rétabliraient de bien en mieux. Ce qui arriva effectivement peu de temps après, d'une manière que l'on peut dire miraculeuse, par le service que lui rendit la Pucelle d'Orléans. Et c'est ce qui a donné occasion à la dévotion que plusieurs personnes ont de porter cette image, et de réciter cette oraison: [126]

Pax Domini nostri Jesu-Christi sic semper mecum per virtutem Heliæ prophetæ, cum potestate & efficacia faciei Domini nostri Salvatoris & dilectissimæ Matris ejus sanctæ Mariæ Virginis, & per caput Sancti Joannis-Baptistæ, & per duodecim Apostolos, & per quatuor Evangelistas, & per sanctos omnes Martyres Dei, Confessores, Virgines, Viduas, Archangelos, Angelos, & omnes denique celestes Hierarchias. Amen.

[51.] Secret de la jartiere pour voyageurs.

Vous recueillerez de l'herbe que l'on appelle armoise, dans le tems que le Soleil fait son entrée au premier degré du signe du Capricorne; vous le laisserez un peu sécher à l'ombre, & en ferez des jartieres avec la peau d'un jeune lievre; c'est-à-dire, qu'ayant coupé la peau du lievre en courroies de la largeur de deux pouces, vous en ferez un redouble, dans lequel vous coudrez ladite herbe, & les porterez [127] aux jambes: il n'y a point de cheval qui puisse suivre long-tems un homme de pied, qui est muni de ces jartieres. Si vous faites pisser sur vos jambes une fille vierge avant le Soleil levé, non-seulement vous serez soulagé de la lassitude du jour précédent, mais aussi vous ferez ce même jour beaucoup plus de chemin qu'à votre ordinaire sans vous lasser. Observez le tems que la Lune sera en conjonction avec Mercure; & l'observation sera encore meilleure, si elle se fait un mercredi du printems; puis vous prendrez un morceau de cuit de peau d'un jeune loup dont vous ferez deux jartieres, sur lesquelles vous écrirez avec votre sang les paroles suivantes: Abumalith cados ambulevit in fortitudine cibi illius, & vous serez étonné de la vîtesse avec laquelle vous cheminerez, étant muni de ces jartieres à vos jambes. De peur que l'écriture ne s'efface, il sera bon de doubler la jartiere d'un padou de fil blanc du côté de l'écriture. [128] Il y a encore une maniere de faire la jartiere que j'ai lue dans un vieux manuscrit de lettres gothiques: en voici la recette. Vous aurez les cheveux d'un larron pendu, desquels vous ferez des tresses dont vous formerez des jartiers, que vous coudrez entre deux toiles, de telle couleur qu'il vous plaira: vous les attacherez aux jambes de derriere d'un jeune poulain; puis en le forçant de marcher en reculant environ vingt pas, vous direz les paroles suivantes: Sicut ambulat Dominus sabaoth super pennas ventorum, sicut ambulabo super terram; & vous laisserez échapper le poulain, & le ferez courir à perte d'haleine, & vous vous servirez avec plaisir de ces jartieres.

[52.] Secret du bâton du bon voyageur.

Vous cueillerez le lendemain de la Touffaint une forte branche de sureau, dont vous ferez un bâton que vous approprierez à votre mode; [129] vous le creuserez en ôtant la moëlle qui est dedans, après avoir garni le bout d'en-bas d'une virole de fer; vous mettrez au fond du bâton les deux yeux d'un jeune loup, la langue & le cœur d'un chien, trois lézards verts, trois cœurs d'hirondelles; & que tout cela soit séché au soleil entre deux papiers, les ayant auparavant sou poudrés de fine poudre de sal-pêtre; & vous mettrez par-dessus tout cela dans le bâton sept feuilles de verveine, cueillies la veille de saint Jean-Baptiste, avec une pierre de diverses couleurs, que vous trouverez dans le nid de la huppe, & vous boucherez le haut du bâton avec une pomme de buis, ou telle autre matiere que vous voudrez, & soyez assuré que ce bâton vous garantira des périls & incommodités qui ne surviennent que trop ordinairement aux voyageurs, soit de la part des brigands, des bêtes féroces, chiens enragés & bêtes venimeuses; il vous procurera aussi la [130] bienveillance de ceux chez qui vous logerez.

[53.] Secret pour faire faire à un cheval plus de chemin en une heure, qu'un autre n'en pourra faire en huit heures.

Vous mêlerez dans l'avoine du cheval une poignée de l'herbe appellée satyrion, que vous hacherez bien menue, vous oindrez le haut de ses quatre jambes en dessous du ventre avec de la graisse de cerf; & quand vous serez monté dessus prêt à partir, vous lui tournerez la tête du côté du soleil levant; & vous penchant sur son oreille gauche, vous prononcerez trois fois, à voix basse, les paroles suivantes, & vous partirez aussi-tôt: Gaspard, Melchior, Merchisard. J'ajoute à ceci, que si vous suspendez au cou du cheval les grosses dents d'un loup qui aura été tué en coutant, le cheval ne sera pas fatigué de sa course.

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